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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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L’amour est un sentiment, le faire est un geste ! L’idéal
est, bien sûr, qu’une seule et même personne vous offre à la fois plaisirs et
sentiments. Quand ce n’est pas, ou plus, le cas, on connaît le drame que tu vis,
Axel.
    Comme ce dernier demeurait pensif et silencieux, Louis Vuippens
reprit :
    — Bien que j’aie grand respect et affection pour Élise,
et connaisse une situation dont elle paraît s’accommoder mieux que toi, je ne
te reprocherai jamais d’aller ailleurs, si possible hors du canton, comme
disait mon père, contenter la bête ! Il y a, tu le sais, des personnes qui
font ça très bien pour peu d’argent. N’avons-nous pas eu recours à leurs soins,
toi et moi, autrefois ?
    — Les prostituées ne peuvent me satisfaire, Louis. Mais,
si je ne puis me contenir, j’agirai en sorte qu’Élise ne souffre ni dans ses sentiments
ni dans son honneur. Cet après-midi, j’allais proposer un rendez-vous à Marthe
Bovey quand ton apparition l’a fait fuir. Je ne sais où la retrouver… et c’est
peut-être mieux ainsi, dit Axel, montrant qu’il acceptait de différer le choix
d’un exutoire.
     
    Repris par le trantran des affaires et les travaux de la
vigne, que Samuel Fornaz négligeait fréquemment, Axel Métaz estima avoir été
influencé, à Lausanne, par le climat romantique et galant qui, durant plus de
cinq mois, avait régné dans l’auditoire mixte de Sainte-Beuve. Cependant, l’image
de la belle veuve rousse lui revenait souvent à l’esprit. Il eût suffi, sous un
prétexte quelconque, qu’il interrogeât sa mère pour obtenir l’adresse de Marthe
Bovey, mais un obscur sentiment de culpabilité le retenait d’en rien faire. Tantôt
il souhaitait revoir M me  Bovey avec l’espoir d’en faire une
complice discrète, tantôt il évaluait le risque de scandale et les ennuis qui
découleraient d’une telle liaison si la veuve devenait amoureuse de lui, se
prenait à espérer un avenir commun, exigeait qu’il se séparât d’Élise pour l’épouser.
La vie lui avait enseigné de quelle vilenie est capable la meilleure des femmes
pour s’assurer l’amour exclusif de l’amant élu. Aussi connaissait-il des
instants d’exaltation, au cours desquels il envisageait de se rendre à Lausanne
pour tenter de retrouver celle dont le souvenir hantait ses nuits solitaires, moments
auxquels succédait une période de sage résignation quand il goûtait, la conscience
légère, le simple bonheur domestique que lui offraient Élise, ses enfants, ses
amis, son lac, ses vignes.
    À l’heure du rasage, le miroir renvoyait au Veveysan l’image
d’un homme robuste, traits nets, joues creuses, maxillaires puissants, nez fort,
bouche large, dents saines et blanches. Les tempes grisonnantes et le regard
vairon ajoutaient à ce portrait la touche romantique qui, les regards des étudiantes
et des bourgeoises le lui avaient prouvé, à Lausanne, plaisait aux femmes de
tout âge. Quant à son corps, il conservait, grâce à la dépense quotidienne qu’il
lui imposait, force et souplesse. Grimper dans les parchets, hisser les voiles
ce son yacht, escalader les pics valaisans pour tirer le chamois, galoper d’un
vignoble à l’autre, rouler les demi-muids avec les tonneliers, démonter et
remonter la lourde vis du pressoir, abattre un châtaignier malade, constituaient
autant d’exercices propres à entretenir musculature et réflexes, à maintenir le
ventre plat et les jambes véloces. Un bon entrepreneur vaudois, pour être digne
de commander à ses ouvriers, ne devait-il pas prouver qu’il était capable de
tenir la place de n’importe lequel d’entre eux, carrier de Meillerie, calfat ou
charpentier des barques, bacouni, vigneron, maître de chais. Le fils de Blaise
et de Charlotte se sentait en pleine possession de ses forces et la conscience
d’une virilité en partie inemployée altérait parfois son humeur.
     
    Le printemps venait d’être marqué par un deuil que tous les Vaudois
ressentaient comme une perte nationale. Le général Frédéric César de La Harpe s’était
éteint, le 30 mars, à l’âge respectable de quatre-vingt-quatre ans. Cet
ancien précepteur des petits-fils de la Grande Catherine, Alexandre et
Constantin, fidèle depuis sa jeunesse aux idées libérales, enthousiaste
zélateur des principes de la Révolution française, adversaire déclaré de la
tutelle bernoise, avait été un des animateurs de la Révolution vaudoise de 1798.
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