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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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de la République lémanique, inspirateur de la Constitution helvétique,
membre du Directoire helvétique, il avait été rappelé comme secrétaire par son
ancien élève devenu le tsar Alexandre I er . Cette position
privilégiée lui avait permis, lors du congrès de Vienne en 1815, d’user de son
influence pour obtenir du souverain russe l’émancipation du canton de Vaud et, avec
l’aide de Pictet de Rochemont et Capo d’Istria, l’agrandissement du canton de
Genève et la garantie de la neutralité Suisse. Député au Grand Conseil vaudois,
prônant toujours les mêmes principes libéraux, cet érudit avait été, plus tard,
l’un des animateurs de la Révolution française de 1830. On lui devait encore la
fondation, en 1826, de la Société vaudoise d’utilité publique dont les domaines
d’activité couvraient aussi bien l’éducation publique que l’industrie et la
lutte contre un paupérisme menaçant. Dès 1818, ce citoyen altruiste avait légué
au musée d’Histoire naturelle l’herbier et la collection de minéraux offerts
par Alexandre I er à son ancien mentor. Vétéran des luttes
révolutionnaires, républicain convaincu, travailleur infatigable, fier, impétueux,
doué d’une imagination qui lui avait fait prendre, parfois, des vessies pour
des lanternes, La Harpe était resté, jusqu’à son dernier jour, généreux et
tolérant, partisan de la liberté des cultes en dépit de l’impopularité de cette
démarche. Il avait aussi souhaité la laïcisation de l’Académie et avait eu le
courage, au risque de passer pour conservateur, de s’opposer à Druey quand ce
dernier s’en était pris, grossièrement, au statut particulier de Neuchâtel, canton
sous tutelle du roi de Prusse, avant de s’emparer, sans scrupule, du Nouvelliste
vaudois, pour répandre les doctrines d’un radicalisme dont La Harpe avait
tôt flairé la dérive autoritaire.
    Tel était l’homme et le citoyen que tous les honnêtes gens, y
compris ceux qui n’adhéraient pas totalement à ses vues, parfois fumeuses, avaient
pleuré. À cause de ce deuil qui affectait leur petite patrie, les Vaudois
ignorèrent à peu près la mort, à Paris, d’un plus illustre personnage. Le 17 mai,
M. de Talleyrand-Périgord, au même âge que La Harpe et moins de deux
mois après le patriote vaudois, avait rendu à Dieu, ou au démon disaient ses
ennemis, son esprit lumineux et son âme flexueuse.
    Entre les deux disparitions de ces acteurs de l’Histoire, un
événement de moindre importance avait défrayé la chronique vaudoise. Le 20 avril,
Gabriel Croset, un chasseur de Pallueyres, avait tué au Bouillet, petit hameau
montagnard situé près de Gryon, à quatre kilomètres de Bex, un ours de belle
taille qui avait, disait-on, arraché un doigt à un autre chasseur téméraire, nommé
Pierre Bocherens. Deux ans plus tôt, M. Chavannes, chasseur solitaire, avait
offert au Musée cantonal de Lausanne un ours de deux mètres vingt-cinq, maintenant
naturalisé pour l’édification des visiteurs. L’animal avait été abattu non sans
peine ni risques à la Côte, près de Bonmont, au pied des grandes forêts du Jura.
    Louis Vuippens et Axel Métaz, rendant visite à Pierre
Valeyres, alité depuis deux semaines, évoquèrent la raréfaction des ours et des
loups.
    — Y a encore pas si longtemps, j’m’en souviens, les
ours étaient si nombreux et causaient tant de ravages dans les troupeaux que le
gouvernement vaudois donnait cinquante francs à celui qui tuait un ours. Mais, à
l’époque, j’avais qu’une vieille pétoire, sinon j’savais bien comment j’aurais
pu gagner dix louis, pas loin d’ici, commenta Pierre Valeyres d’une voix chevrotante.
    Le vieux bacouni, doyen, à quatre-vingt-sept ans, des
bateliers du Léman, se mourait doucement, usé par le travail. Le vieil homme
avait appris à beaucoup de Veveysans, dont Guillaume et Axel Métaz, le lac, les
vents, la navigation, ses exigences, ses plaisirs et ses dangers. Le destin s’était
montré cruel et injuste envers cet homme honnête et bon. Il avait eu le chagrin
d’enterrer, en peu d’années, sa fille, son fils, son gendre et regrettait que
le seul héritier qui lui restât, Régis, intendant zélé de Rive-Reine, eût
choisi la profession de gratte-papier et aligneur de chiffres plutôt que celle,
noble entre toutes, de bacouni.
    Avant le départ du médecin et d’Axel, le vieillard voulut
savoir comment gonflait le raisin, dont il ne

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