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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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d’Axel.
    — Avez-vous lu Volupté, le dernier roman de
notre conférencier ? demanda-t-il en fixant la jeune femme.
    — J’en ai entendu dire autant de bien que de mal, monsieur.
    — Cela se conçoit, madame. Le héros du roman étant
écartelé entre l’amour charnel et l’amour divin, l’opinion du lecteur dépend du
choix que lui-même ferait en pareille circonstance, expliqua M. Métaz, charmeur.
    — Je vais donc lire ce roman pour, à défaut de m’engager
dans un choix aussi cornélien, me faire, au moins, une opinion personnelle, répliqua
M me  Bovey, rendant sourire pour sourire.
    — Me ferez-vous l’honneur de me communiquer, à défaut
du choix que vous ne ferez pas, votre simple opinion, madame ? murmura
Axel, assez bas pour ne pas être entendu de sa mère.
    Mais la veuve n’entra pas dans le jeu et, se tournant vers M me  de Fontsalte,
comme si celle-ci avait entendu la question de son fils, répondit franchement :
    — J’ai tout lieu de penser, déjà, que mon opinion
rejoindra celle de Madame votre mère, que j’admire beaucoup, conclut M me  Bovey
en tendant sa main gantée pour prendre congé.
    À l’issue de ce marivaudage, Axel se dit que cette femme ne
manquait ni d’esprit ni de repartie. Bien qu’elle eût refusé l’âpreté, la référence
à l’opinion de Charlotte, qui avait autrefois choisi l’amour contre le devoir –
ce que peu de gens devaient ignorer dans la bonne société lausannoise – ne
constituait-elle pas, déjà, de la part d’une initiée, une promesse de reddition ?
    Le premier pas ayant été franchi lors de cette présentation
protocolaire, les jours suivants, Axel et Marthe échangèrent des saluts, puis
de vagues considérations sur l’histoire de Port-Royal, quand ils se
rencontraient.
    Axel Métaz de Fontsalte, dont le beau nom avait impressionné
Marthe Bovey, s’arrangeait toujours, en effet, pour se trouver sur le passage
de la veuve. Le plus souvent, celle-ci quittait sans s’attarder l’Académie, en
compagnie d’une ou deux amies. Dans de telles circonstances la conversation ne
pouvait être que brève et anodine, ce qui agaçait le Vaudois, déjà décidé à
proposer une rencontre à la jeune femme. Ce fut elle qui prit l’initiative d’une
nouvelle avance. Un après-midi, alors que les auditeurs de M. Sainte-Beuve
sortaient en devisant de la bibliothèque, Marthe prit soudain congé, dans le
hall, de l’amie qui l’accompagnait et se retourna vers Axel. Il comprit que la
belle avait voulu se libérer d’un témoin et montrer qu’elle acceptait, cette
fois, le tête-à-tête. C’est ce jour-là que Louis Vuippens, qui ne venait à
Lausanne qu’une ou deux fois par semaine, remarqua le manège du Veveysan et l’interrompit.
    Le soir même, alors que les deux amis dînaient à Rive-Reine
en attendant le retour annoncé de la maîtresse de maison, Vuippens voulut aider
Axel, qu’il devinait mal à l’aise, en rappelant leur rencontre de l’après-midi.
    — Eh bien ! oui, reconnut Métaz, j’en ai assez de
l’abstinence ! Je ne suis pas un chartreux qui a fait vœu de chasteté.
Étant donné son état, ça n’enlèvera rien à Élise et ça ne changera rien aux
sentiments que je lui porte, si je vais passer un moment, de temps à autre, dans
le lit d’une femme en bonne santé… et discrète. Souviens-toi de Chantenoz qui
nommait sa maîtresse miss Exutoire !
    — Mais il a fini par épouser Aricie ! Miss Exutoire
est devenue M me  Chantenoz, constata Vuippens.
    — Martin était célibataire, ce qui n’est pas mon cas. Soyons
cyniques, Louis. Je suis à l’abri, si j’ose dire, du rempart du mariage. Un
sculpteur-poète dont j’ai oublié le nom a écrit quelque part :
    Tout homme a dans son cœur un cochon qui sommeille [99]  »…
le mien, Louis, a des insomnies !
    Vuippens rit franchement, puis prit Axel par l’épaule.
    — Le drame de l’homme vient de ce que son organisation
physiologique ne fait pas de sentiment. Le corps est gouverné par des instincts
vitaux, qui lui sont propres et n’engageaient ni la pensée ni la foi jusqu’à ce
que les judéo-chrétiens et certains philosophes établissent une corrélation
artificieuse entre la chair et l’esprit. L’équivoque est si bien entrée dans
les mœurs qu’il n’y a plus, en français, qu’un seul mot pour désigner, à la
fois, le plus noble sentiment humain et la copulation commune à tous les
animaux !

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