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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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été prématurément acclamé, comme
Henri V, par les Dieppois !
    Et cela avait duré six ans, jusqu’à l’exil de la duchesse
comploteuse, en 1830. Entre-temps, les touristes britanniques avaient découvert
Dieppe grâce à deux de leurs compatriotes, Robert Haydon et David Wilkie, artistes
peintres. Ces insulaires avaient traversé la Manche le 25 mai 1814, après
que l’ogre corse, qui voulait faire du port de pêche une base d’attaque contre
l’Angleterre, eut abdiqué.
    En effectuant leur première promenade sur la jetée suspendue,
lieu où il convenait de se montrer entre le thé et le dîner, les Vaudois découvrirent
un rivage d’une tout autre ampleur que celui du Léman. Le vent, souvent aigre, même
au grand soleil, moulait la croupe des dames dans leur jupe, ce qui ne
déplaisait pas aux messieurs contraints de retenir leur chapeau, tandis que
leurs compagnes couvraient le leur d’une mousseline nouée sous le menton.
    Élise, conseillée par Vuippens, avait choisi Dieppe plutôt
qu’une autre plage française parce que la ville, autrefois bastion protestant, était
encore desservie, grâce à la colonie anglaise, par un pasteur, M. Beaver, qui
officiait dans l’ancienne chapelle des carmélites, faubourg de la Barre.
    Le lendemain de l’arrivée du cercle Fontsalte, qui était un
dimanche, Élise et Axel se rendirent au culte, tandis que Charlotte et Blaise, accompagnés
de Flora et Claude, allaient entendre la messe en l’église Saint-Jacques.
    Les protestants offraient à leurs coreligionnaires nouveaux
venus une notice édifiante. La lecture, en commun, de celle-ci apprit aux Métaz
qu’un Genevois nommé Venable, déguisé en porte-balle, avait été le premier, en
1557, à prêcher la Réforme à Dieppe. Très actif, ce colporteur calviniste avait
répandu dans toute la Normandie des opuscules définissant la religion nouvelle,
ainsi que des bibles. Sa propagande avait eu pour résultat de gagner à Calvin
une foule de Dieppois, que l’amiral Coligny s’était empressé de soutenir de ses
deniers en les invitant à bâtir un temple, pour mieux s’imposer aux papistes. Henri III,
mécontent, avait donné l’ordre au maréchal de Vieilleville d’abattre ce que les
huguenots nommaient théâtre et qui n’était qu’un lieu de culte interdit. Les « sectaires »
dieppois, qui avaient refusé de participer à la démolition de leur église
réformée, avaient été exécutés. Plus tard, après l’assassinat de Henri III,
quand Henri IV eut décidé de conquérir la France, c’est à Dieppe qu’il
avait trouvé refuge et appui pour vaincre Charles de Lorraine, duc de Mayenne, à
Arques, le 21 septembre 1589. Ainsi, c’est à Dieppe qu’avait commencé la
longue marche du Vert-galant vers Paris et le trône.
    Ce port, qui sentait la caque et le hareng, avait aussi
donné naissance à un huguenot très célèbre, Abraham Duquesne, grand homme de
mer, qui, malgré ses exploits et son patriotisme exemplaire, ne fut jamais
promu amiral de France, parce que protestant.
    En rappelant à des membres de la communauté protestante de
Dieppe, avec qui Élise s’était entretenue après le service, que le cœur de l’amiral
Duquesne se trouvait dans une niche scellée par une plaque de marbre dans l’église
d’Aubonne, ville de la Côte à vingt kilomètres de Lausanne, M me  Métaz
ranima la colère des Dieppois contre les Vaudois, qui refusaient de rendre
cette précieuse relique à la ville natale du héros [105] .
    — Mais le cœur de l’amiral a été placé là par son fils
aîné, Henri Duquesne [106] ,
baron de Valgrand, devenu Vaudois par l’achat de la seigneurie d’Aubonne, en
1685. Et cela, parce que la France n’avait pas donné à son père la noble
sépulture que ses rares mérites auraient dû lui valoir, expliqua Élise, un peu
confuse d’être prise à partie.
    Malgré cet incident diplomatique, une ville qui avait une
telle histoire ne pouvait que plaire à la fille d’un pasteur suisse.
    Le lendemain, la température étant favorable et le vent nul,
le cercle Fontsalte se rendit aux bains de mer. Les dames furent conduites sur
les galets jusqu’à des tentes individuelles de toile blanche rayée de bleu. Elles
réapparurent, un quart d’heure plus tard, en costume de bain à la vue de leurs
maris, qui observaient à bonne distance, car les hommes ne pouvaient pénétrer
dans l’enceinte du bain des dames. L’apparition de Charlotte, Flora

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