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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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femme banquier à Genève. Et, croyez-moi, elle jongle
déjà avec les changes comme un commis chevronné. Elle prend cela, dit-elle, comme
un jeu intellectuel très distrayant.
    — Alexandra banquière ! reprit Axel qui n’en
croyait pas ses oreilles.
    — Elle est très douée pour les chiffres, pour le calcul
rapide, très attentive aux nouvelles d’ici et là, qu’elle sait interpréter en
fonction d’incidences possibles sur les changes. Quand elle vient au bureau
lire les dépêches et les journaux étrangers, savez-vous, Axel, qu’elle met le
doigt sur des petites informations que je n’avais pas, moi-même, relevées, conclut
Laviron avec admiration.
    — Mais comment une femme pourra-t-elle entrer dans une
banque ? Est-ce possible ? demanda Métaz incrédule.
    — Tout simplement en devenant mon associée dans ma
banque. La loi n’interdit pas à une femme d’apporter sa participation financière
à une banque privée. Elle ne lui fait l’obligation que de figurer en nom. Et
Alexandra a de quoi être une associée de poids. Grâce, j’ose le dire sans
fausse modestie, aux bons placements que j’ai pu faire des héritages de ses malheureux
parents et grands-parents. Ainsi, le nom des Laviron restera dans la banque. N’ai-je
pas de quoi être fier ?
    Axel ne pouvait qu’acquiescer et se réjouir. Mais la
découverte du goût insoupçonné de sa filleule pour la comptabilité complexe, les
taux de change des monnaies, la spéculation financière et les lettres de crédit,
le laissait rêveur. Il ne s’opposerait pas à l’adoption d’Alexandra par les Laviron,
car Élise n’eût sans doute pas accepté qu’il adoptât lui-même l’orpheline. Volontaire,
scrupuleuse, futée, douée d’un sens aigu de l’organisation, Alexandra
connaîtrait, peut-être, une destinée exceptionnelle.
    Avant d’embarquer sur l’ Aigle pour regagner Vevey, il
promit à Pierre-Antoine de rendre visite, pendant son séjour à Londres, à ses
correspondants anglais et de rapporter des informations sur les chemins de fer,
à l’avenir desquels le banquier croyait encore plus depuis que M. Fraisse,
ingénieur, avait été chargé par une société d’étudier un projet de voie ferrée
susceptible de relier Yverdon à une ville du Léman qui restait à désigner.
    — Les autorités fédérales ont aussi demandé à M. Stephenson,
le génial inventeur de la Rocket, la meilleure locomotive d’Angleterre, de leur
expliquer comment on pourrait établir en Suisse « le chemin de fer au plus
bas prix, tout en satisfaisant la plus grande masse possible d’intérêts
nationaux », ce sont les propres termes rapportés par la Gazette de Lausanne et le Journal suisse, il y a quelque temps, assura Laviron.
    Alexandra eût volontiers accompagné son parrain à Londres. Elle
se serait même réjouie d’un séjour à Dieppe, avec Élise et les petits Métaz, mais
l’année scolaire n’était pas achevée et la jeune fille, qui concourait pour
plusieurs prix, ne voulait pas faire l’école buissonnière.
     
    Ce fut par sa mère, en visite à Rive-Reine quelques jours
plus tard, qu’Axel eut des nouvelles – qu’il n’espérait plus – de
Marthe Bovey. La jeune femme, comme M me  de Fontsalte, avait
apporté son obole à la souscription pour le souvenir que les dames de Lausanne,
auditrices de M. Sainte-Beuve, voulaient offrir au critique la veille de
son départ pour Paris. Au cours d’une dernière réunion dans la bibliothèque de
l’Académie, on avait donc remis à Sainte-Beuve une montre de Genève, accompagnée
de la lettre d’une admiratrice [102] qui, n’ayant pu
convertir Sainte-Beuve à la religion réformée, avait écrit : « Vous
avez étendu la sphère de nos vues protestantes. »
    — Comment peut-on étendre une sphère à moins de l’aplatir ?
persifla Axel.
    — Personne ne s’est posé la question, dit Charlotte, mais
une belle rousse a semblé regretter que tu ne sois pas là. Elle voulait te
faire part de son opinion sur Volupté, l’ouvrage de M. Sainte-Beuve.
Il paraît que tu la lui as demandée.
    — C’est exact. Et qu’a-t-elle dit ?
    — Rien de plus. J’imagine qu’elle voulait te réserver
la primeur de ses impressions, répondit négligemment Charlotte, laissant son
fils sur sa faim.
    Le dieu malin qui préside aux rencontres de ceux qui ont
envie de se revoir s’en mêla opportunément, le jour du départ pour la France
des Fontsalte et

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