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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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amusé des badauds,
intrigués par cette belle voiture noire, aux ressorts souples, aux flancs
laqués et portières blasonnées. Lazlo, qui restait à Dieppe avec la berline d’Axel
pour promener M me  Métaz et ses fils, vint faire ses dernières recommandations
à son ami Titus.
    — Tu n’as rencontré d’Anglais que sur les champs de
bataille. Chez eux, tu verras, ils sont bien différents. Arrogants, intéressés,
roublards, vicieux et hypocrites. Ils se disent les plus civilisés du monde, alors
qu’ils font travailler des enfants de huit ans dans les mines de charbon et
tolèrent que des fillettes de dix ou douze ans s’adonnent à la prostitution !
Prends garde aux mendiants et aux marchandes de fleurs : tous des voleurs !
Et ne bois que du whisky d’Écosse : l’alcool frelaté, c’est la spécialité
des pubs londoniens ! Et qu’on débouche le flacon devant toi, insista le
Tsigane en serrant la main du Bourguignon, devenu son meilleur ami.
    Axel et Blaise, entendant ces avertissements sans nuances, échangèrent
un sourire. Tous deux savaient que Lazlo avait des raisons très personnelles de
se méfier des sujets de la toute nouvelle reine Victoria.

3
    Quand Axel Métaz revit l’Angleterre, le 16 juin 1838, il
eut le sentiment d’aborder une autre planète. Il ne reconnut pas Londres, découverte
en 1817 avec lord Moore. En vingt années, la ville était devenue tentaculaire. La
capitale comptait maintenant plus d’un million et demi d’habitants. L’agglomération
avait annexé, non seulement les villages périphériques, mais aussi de larges
espaces ruraux. Les fumées âcres des forges et des tréfileries, où la vapeur animait
des machines dont on disait qu’elles finiraient par évincer l’homme, se
répandaient, lourdes exhalaisons grises poussées par les vents, jusqu’aux
quartiers huppés du centre.
    Axel Métaz entendait mener à Londres une vie indépendante de
ses parents et amis, dont l’emploi du temps serait conditionné par les
réceptions et les cérémonies officielles, auxquelles il ne pouvait être admis
et qui ne l’attiraient guère. Aussi avait-il choisi d’habiter le Golden Cross, un
hôtel cossu du Strand, tandis que les généraux et leurs épouses logeaient dans
le quartier de Mayfair, où des appartements étaient réservés aux membres des
délégations étrangères.
    Dès le lendemain de son arrivée, pour tenir la promesse
faite à Pierre-Antoine Laviron, le Vaudois se rendit chez les associés londoniens
du Genevois. La capitale britannique, fiévreuse et remuante, achevait de se
parer pour le couronnement de Victoria. La circulation des cabs dans les rues
encombrées de chars qui transportaient énormes planches, sièges, barrières, tentes,
était rendue encore plus difficile par les badauds venus, parfois en chemin de
fer et souvent pour la première fois de leur vie, de tous les comtés du royaume.
Mêlés aux visiteurs étrangers, débarqués par milliers des bateaux assurant des
liaisons spéciales et multiples avec le continent, ces gens paraissaient
décidés à fêter joyeusement leur souveraine, au long des rues, dans les salons
et les pubs, mais aussi à Hyde Park, où se tenait une immense foire populaire. Le
gouvernement de lord Melbourne ne voulait pas que le couronnement fût une fête
réservée à quelques privilégiés et tenait à la participation du peuple. Cela
ferait, peut-être, oublier un moment aux gens sans travail, nombreux et
hargneux, leur misère. La jeune souveraine, que l’on disait petite personne
aimable, naturelle, plutôt enjouée bien que très consciente « d’être de la
tête aux pieds » la reine du plus puissant pays du monde, ne s’était pas
opposée au choix d’un Premier ministre qu’elle tenait pour « un ami bon et
impartial ».
    — On dit, milord, que la population de Londres a
quintuplé. Que plus de cinq cent mille étrangers nous honorent de leur visite, révéla
le cocher d’Axel.
    À chaque carrefour, des ouvriers construisaient des estrades,
dressaient des mâts, décoraient des façades, peignaient des devantures, étiraient
des banderoles, hissaient des oriflammes. Des cantonniers lavaient les
trottoirs, damaient les chaussées, curaient les caniveaux. Tout cela dans un
bruit de scies et de marteaux, avec accompagnement d’injonctions, de clameurs, de
criailleries, de jurons et de rires.
    Entre Charing Cross et Piccadilly Circus, les bouquetières, regard
fripon, parler

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