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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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consorts. Installés dans les deux grandes berlines de Blaise
et d’Axel, la première conduite par l’adjudant Trévotte, la seconde par Lazlo, les
voyageurs comptaient arriver en cinq jours à Dieppe, où Élise séjournerait avec
ses enfants. Lazlo, factotum irremplaçable et qui, pour des raisons connues d’Axel,
ne souhaitait pas se rendre à Londres, assurerait le service de M me  Métaz
avec Marie-Blanche, la nourrice de Vincent, dont Élise affirmait, non sans motifs,
en pinçant les lèvres, qu’elle était « du dernier bien avec le Tsigane ».
    Alors que le convoi s’était arrêté à Morges, pour reposer et
faire boire les chevaux, Axel, qui fumait sa pipe, assis à l’ombre sur un muret,
vit M me  Bovey descendre d’un cabriolet et ouvrir son ombrelle. Elle
était seule et paraissait pressée. Vêtue d’une jupe gris perle et d’une blouse
de même ton, elle se dirigea aussitôt d’un pas vif vers une boutique de modiste.
Sans même réfléchir, Axel la rejoignit, se fit reconnaître et la pria d’excuser
un abordage aussi peu cérémonieux. La jeune femme sursauta, puis sourit, affable
et détendue.
    — J’ai eu de vos bonnes nouvelles par ma mère, madame, et
j’ai beaucoup regretté de ne pas l’avoir accompagnée le jour des adieux a M. Sainte-Beuve,
dit Axel.
    — Sans les étudiants de Zofingen qui ont chanté de
beaux couplets, la cérémonie eût été banale, monsieur, mais comment va Madame
votre mère ?
    — Elle est tout près d’ici. À l’auberge, où elle prend
des rafraîchissements avec ma femme et nos amis. Nous partons en famille pour l’Angleterre.
    Axel précisa que son épouse et ses fils restaient à Dieppe, tandis
qu’il accompagnait ses parents au couronnement de la reine Victoria.
    — Au couronnement d’une reine… Je vous envie, monsieur.
Quel événement ce sera ! dit-elle, mélancolique.
    Axel, pressé par le temps et oubliant ses bonnes résolutions,
décida de brusquer les choses, espérant ainsi préparer l’avenir.
    — Si j’étais certain de passer une infime partie de mon
temps, cet été, avec vous, je renoncerais avec joie à cette expédition, madame !
    — Ce compliment original et osé n’engage à rien mais c’est
très aimable à vous de le tourner ainsi, murmura Marthe, un peu confuse et ne
sachant quelle contenance adopter.
    Axel, jetant un regard du côté des berlines, dont Lazlo et
Trévotte ramenaient les attelages, risqua une nouvelle avance.
    — Même au risque de vous paraître niais, j’ose vous
dire, madame, que, si j’ai accepté d’accompagner mon père et ma mère à Londres,
c’est un peu pour leur plaire et beaucoup pour tenter de vous oublier, lâcha-t-il,
baissant le ton.
    M me  Bovey, suffoquée par une si fougueuse déclaration,
sentit son visage s’empourprer en voyant M me  de Fontsalte
sortir de l’auberge en compagnie de sa belle-fille et de deux enfants. Axel
suivit son regard tandis qu’elle abaissait son ombrelle pour les dissimuler
tous deux aux regards.
    — Allez, monsieur, on vous attend, je crois. Et bon
voyage, dit-elle d’un ton las, se ressaisissant.
    — Vous reverrai-je jamais… à mon retour ?
    — À quoi bon, monsieur ? Suivez votre premier
penchant, oubliez que nous nous sommes rencontrés.
    — Si c’est ce que vous souhaitez, madame, je m’efforcerai
d’oublier, mais… si je n’y parviens pas ? insista Axel.
    — Alors, faites comme aujourd’hui confiance au hasard, monsieur.
    — Je ne fais aucune confiance au hasard à l’échelle
cantonale, dit-il, mi-plaisant, mi-rageur.
    — Les bains d’Yverdon, où je serai en août, ne sont pas
si vastes que le hasard n’y trouve son chemin, finit-elle par lui glisser, à
voix basse, en lui tendant sa main dégantée qu’il serra, comme si le geste de
cette femme scellait un engagement.
    Seul Lazlo avait, de loin, suivi la scène. Complice spontané
de l’homme qu’il estimait le plus au monde, le Tsigane avait déjà fait monter M me  Métaz,
sa belle-mère, M me  Ribeyre de Béran, les enfants et
Marie-Blanche en voiture et donné le signal du départ. Axel, qui voyageait avec
les deux généraux et les bagages, n’eut pas, ainsi, à fournir d’explications
sur une rencontre qu’il estimait inaperçue de tous. C’est en sifflotant, satisfait
comme celui qui vient de faire un heureux placement, qu’il fit signe à Trévotte
de rendre la bride aux chevaux.
     
    Dieppe, cité ventée, lavée par

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