Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
madame.
Seule une femme peut comprendre cela, lâcha-t-elle à voix basse, sans retenir
ses larmes.
    — Je comprends, dit doucement Charlotte.
    Puis, tirant de sa manche un mouchoir bordé de dentelle, elle
le mit dans la main de la femme.
    — Essuyez vos jolis yeux, gardez le mouchoir… et
souvenez-vous tout de même de mon conseil, dit-elle, presque aussi émue que la
malheureuse.
    — Allez, la représentation est terminée, mesdames, messieurs.
Nous laissons cette bande à vos soins. En route, cria Blaise en entraînant sa
femme et Flora vers la berline.
    Une fois la voiture lancée, les commentaires fusèrent. Les
trois hommes et Flora furent unanimes pour approuver l’intervention de
Charlotte, assez fière d’avoir joué un rôle dans le dénouement d’une aventure
qui aurait pu tourner au tragique.
    — Mais, bon sang, qu’est-ce qui retient cette jolie
fille près de ce gargotier détrousseur ! dit Ribeyre.
    — L’amour, pardi, clamèrent d’une même voix Charlotte
et Flora, ce qui déclencha le rire de leurs maris et leur valut des baisers.
    — C’est égal ! dit Axel, qui n’avait pas de femme
à mignoter. J’ai tout de même frappé un homme assez fort pour lui fendre le
crâne !
    — Les bandits anglais ont la tête dure, mon garçon. Et
tu feras pire à la guerre, commenta Ribeyre.
    — J’espère bien qu’Axel ne fera jamais aucune guerre, dit
Charlotte.
    Quand la berline fut amarrée sur le vapeur en partance pour Dieppe,
les voyageurs virent arriver Trévotte dans leur cabine, tout sourire.
    — Votre repas ayant été interrompu, j’ai pensé à
prendre à ce bandit d’aubergiste de quoi vous restaurer ! Pendant que le
général avait la bonté, exagérée à mon avis, de donner des explications à ces béjaunes,
j’ai visité le garde-manger et la cave de cette canaille.
    Ce disant, Titus tira d’un grand sac de toile un jambon, enveloppé
dans un torchon, un fromage de Stilton, une énorme miche de pain et quatre bouteilles
de porto.
    — C’est tout ce que j’ai trouvé comme breuvage
acceptable. Bien sûr, j’aurais pu prendre un tonnelet de bière mais, comme l’a
dit autrefois un de mes ancêtres bourguignons, « la bière est une boisson
malheureuse » et les Anglais n’ont de vin que les nôtres, qu’on ne sert
pas dans les relais de poste.
    — Mais ce sont des victuailles volées, mon bon Titus, observa
Flora, malicieuse.
    — Voler un voleur n’est pas voler, c’est faire justice,
madame, répliqua Trévotte, sentencieux.
    Approuvé par les généraux et Axel, prêts à faire honneur à l’en-cas
inespéré, au contraire de Flora et de Charlotte, à qui le roulis ôtait l’appétit,
l’adjudant reçut sa part du butin.
    La traversée eût été belle et aisée si la pluie et le vent
ne s’étaient mis de la partie, à quelques encablures du port de Dieppe. Ce fut
par grand frais et sous l’ondée que la berline débarqua les voyageurs devant l’hôtel
Royal, où ils retrouvèrent Élise et ses enfants.
    La cure avait été bénéfique à M me  Métaz de
Fontsalte, comme à ses fils. Les garçons exhibaient, sous un léger hâle dû au
soleil et à l’air marin, de belles joues rondes et roses. Quant à Élise, Axel
la trouva pimpante, gaie, désirable et plus tendre à son égard qu’elle ne l’avait
été depuis que les époux vivaient comme frère et sœur. Tandis que Vincent, avec
l’assurance de ses trois ans et demi, racontait avec fougue, son œil le plus
clair brillant de plaisir, ses exploits sur les galets, son frère Bertrand ne
faisait que bafouiller en battant des mains, comme s’il admirait l’assurance, l’aplomb
et la facilité d’élocution de son aîné.
    Pour la première fois depuis qu’il était père, Axel
ressentit une vague fierté. Ce bambin robuste, aux cheveux bruns, au regard
vairon, bien campé sur ses jambes et, d’après sa mère, d’une intrépidité qui
frisait la témérité, promettait d’être un vrai Vaudois.
    — Ce qu’il ne vous dit pas, observa Élise, c’est qu’il
nous a fait une épouvantable frayeur le jour où, ayant échappé à la
surveillance de Marie-Blanche, il a grimpé dans la barque d’un pêcheur, au
moment où celui-ci mettait son bateau à l’eau. Et voilà notre Vincent seul avec
cet homme, qui ne découvre son passager clandestin qu’à pleine mer, enfin, à
cent brasses au moins de la plage.
    — C’était beau d’aller sur l’eau. Ça balançait et

Weitere Kostenlose Bücher