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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Fontsalte.
    — Moment exceptionnel, tout de même, et assez flatteur
pour nous. Quand nous sommes entrés dans l’abbaye, derrière Soult, précédé de
hérauts d’armes, il y eut un mouvement de curiosité et, même, des murmures
chaleureux, ajouta Ribeyre.
    — Comme la reine paraissait fragile. Elle faisait
effort pour tenir le globe et le sceptre, et supporter cette couronne qui est, paraît-il,
si lourde, reprit M me  de Fontsalte.
    — Elle était plus à l’aise au bal, entourée de ses
dames d’honneur, admit Flora.
    — Car il y eut trois bals de la cour, Axel. Et nous
étions invitées. Quel dommage que tu n’aies pas vu ma robe. Je peux dire que ma
toilette fut remarquée. Et, à la cinquantaine dépassée [111] , j’ai eu encore
mon petit succès. Un colonel des Gardes, écuyer de la reine, gaillard à tunique
rouge et moustache rousse, m’a fait valser à deux reprises. Blaise était un peu
jaloux, minauda Charlotte.
    — Victoria n’a pas dansé la valse. Il paraît qu’une
reine ne peut être serrée d’aussi près par un homme, mais elle a dansé le quadrille
avec grâce, dit Flora.
    — L’orchestre était fameux, dirigé par le Viennois
Johann Strauss [112] ,
auteur de plusieurs valses que dansèrent nos dames dans les bras de nos anciens
ennemis, aussi entreprenants au bal qu’à la guerre, dit Ribeyre, avec un clin d’œil
à Axel.
    — Oh ! nos deux généraux ne manquèrent pas de
cavalières, Axel. Toutes les duchesses et les pairesses voulaient danser avec
les Français. Ils ont ici une réputation d’amants inégalables, persifla M me  Ribeyre
de Béran.
    — Ces Anglaises, que je croyais pudibondes, ont en
effet de ces regards pour les hommes ! s’indigna Charlotte.
    — Blaise et moi, nous ne les avons pas trouvées très
séduisantes : sèches, compassées et, pour tout dire, dépourvues d’aisance.
Rivarol avait vu juste quand il écrivait : « Les Anglaises semblent
avoir deux bras gauches », cita Ribeyre.
    N’eût été l’apparition de l’adjudant Trévotte annonçant que,
les bagages chargés, on pouvait se mettre en route, le récit des événements des
derniers jours aurait pu longtemps se poursuivre, un détail rapporté par
Charlotte rappelant un souvenir à Flora, une réflexion de Ribeyre en appelant
une de Fontsalte.
    — Et vous, Titus, qu’avez-vous retenu de ces belles
journées ? demanda Axel.
    — Que les Anglais ne savent pas faire la cuisine mais
qu’ils savent boire, tudieu ! Difficile de les suivre, quand ils mélangent
bière et whisky ! Mais j’ai battu un de leurs champions au jeu de fléchettes,
dans un pub, et j’ai gagné une pièce d’argent qu’on a frappée pour le
couronnement, dit Titus.
    Tirant cette monnaie de sa poche, il ajouta :
    — Je l’offrirai à mon neveu. Si, toutefois, nous
passons par Meursault en rentrant, acheva-t-il, avec un regard au général
Fontsalte qui déciderait de l’itinéraire et d’un arrêt éventuel en Bourgogne, ce
qu’espérait le vieux soldat.
    — Nous, nous rapportons une médaille frappée
spécialement pour les invités de la reine. Lord Surrey en a jeté à poignées dans
l’église, sitôt la reine couronnée. Ce fut une vraie bousculade. Tout le monde
voulait un souvenir ! Flora a donné un coup d’éventail à une duchesse qui
lui marchait sur les doigts…
    — Le dernier coup d’éventail nous a valu la guerre avec
le bey d’Alger, rappelez-vous ! plaisanta le général Ribeyre.
    — Mais je rapporte trois médailles ! Une pour Élise,
une pour Aricie, une pour moi, dit fièrement sa femme.
    Charlotte avait manqué de combativité et ne rapportait qu’une
médaille commémorative, qu’elle n’était pas prête à lâcher, non plus que la
pièce d’or de cinq livres que lui avait offerte son mari. Dessinée par William
Wyon [113] ,
cette pièce était la plus forte des monnaies frappées à l’occasion du
couronnement. On y voyait Victoria guidant le lion britannique.
    Dans la berline en route vers Newhaven, Charlotte et Flora
voulurent savoir comment Axel avait passé son temps. Il tut ce qu’il avait
appris de la tragédie des Moore et sa décevante tentative de revoir Janet, qu’en
d’autres temps Charlotte eût tant aimé lui voir épouser. Il s’étendit, en
revanche, sur ses visites aux musées, ses promenades dans Londres, qu’il
définit comme une capitale immense, parsemée de monuments magnifiques, de
belles demeures, témoignages

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