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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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catholicisme sans Rome !
lança Blaise pour appuyer son fils.
    — D’autant plus que les protestants qui regardent du
côté de Rome constituent une infime minorité de déçus de l’évangélisme, de l’utilitarisme
et autres doctrines en isme, plus ou moins fumeuses, qui foisonnent actuellement
outre-Manche, s’empressa d’ajouter Ribeyre en fixant son épouse, afin de l’inciter
à abandonner le sujet.
    Élise, tout aussi combative que sa belle-mère, était mieux
armée, en tant que fille de pasteur, sur le plan théologique. Elle avait été
informée, dès 1836, par son père, de la crise qui secouait l’Église d’Angleterre.
Henri Delariaz, conférencier invité en 1835, à Oxford, pour soutenir son ami
John Keble, théologien, professeur de poésie qui prônait une rénovation
liturgique et apostolique de l’Église d’Angleterre, menacée par une mainmise
exagérée du Parlement, était rentré assez perplexe de son dernier séjour à
Oxford. Certains professeurs, étudiants ou ministres adhérents du mouvement d’Oxford,
né au lendemain du sermon Apostasie nationale, prononcé par Keble en
1833, regardaient en effet un peu trop, au goût du ministre suisse, du côté de
Rome. Dans les milieux ecclésiastiques, on citait même le cas de John Henry Newman [114] qui disait avoir trouvé dans la lecture des Pères de l’Église des raisons d’adhérer
à certains dogmes du catholicisme romain. Le pasteur Delariaz et sa fille, zélateurs,
dans le canton de Vaud, de l’Église nationale, désapprouvaient fermement cette
fatale dérive.
    — Un certain nombre d’éléments vous manquent, ma chère
mère, pour apprécier la situation religieuse en Angleterre, dit Élise d’un ton
sentencieux.
    Axel reconnut le débit lent et sec dont sa femme usait dans
ses moments de colère contenue.
    — Flora et moi, nous en avons assez appris récemment
pour nous faire une opinion, chère Élise. Ainsi il est de notoriété publique
que, dans la campagne anglaise, les pasteurs font toujours cause commune avec
le gros propriétaire du lieu, le squire comme ils disent, et avec le
chef des autorités communales, nous dirions chez nous le syndic. Ce trio,
« d’un conservatisme étroit », d’après une personne catholique que
nous avons rencontrée, a pour principal but de maintenir les paysans et leur
famille dans un état d’ignorance complète et de sujétion.
    — Mais voyons, c’est tout le contraire, le ministre est
souvent le maître d’école dans les villages. Les enfants apprennent à lire dans
la Bible ! chère mère, répliqua Élise, agacée.
    — Eh ! bien sûr, qu’ils sont maîtres d’école !
Ils s’assurent ainsi le monopole de l’éducation, lança Flora.
    — Celle qu’ils donnent aux enfants vaut bien celle que
dispensent les régents. Elle est certainement plus saine et meilleure que celle
imposée aux enfants papistes par les jésuites, dit Élise, ne cherchant plus à
dissimuler son courroux.
    — Les jésuites savent éveiller l’intelligence des
enfants ! ma petite. Ce qui n’est pas le fait des pasteurs anglais, et d’autres
sûrement, qui tiennent les lumières sous le boisseau du calvinisme !
    Avant qu’Élise, dressée, ait eu le temps de répliquer, Flora
relaya Charlotte.
    — Et ce n’est pas tout ! La femme d’un magistrat, protestante
celle-là, dont le mari milite pour le fameux mouvement d’Oxford, nous a confié
combien son mari avait été scandalisé quand il s’était aperçu, dans son village,
que les aumônes sont différemment réparties entre les pauvres qui assistent aux
offices et ceux qui n’y ont pas ! Nos huguenots vaudois sont heureusement
moins sectaires, acheva Flora, essoufflée.
    Axel, craignant que la discussion ne devînt de plus en plus
aigre, vola au secours d’Élise.
    — Ces cas d’abus de pouvoir, que citent ma mère et
Flora, sont certainement rares. La plupart des ministres remplissent exactement
leur devoir envers Dieu et leur prochain, dit-il.
    — Et, bien souvent, ne percevant que de très modestes
bénéfices, vivent comme les plus pauvres de leurs ouailles, ajouta Blaise.
    — Sauf ceux qui, ayant épousé une femme riche, délèguent
leurs fonctions à un vicaire ignorant, mènent à Londres une existence mondaine
et ne viennent dans leur paroisse que pour chasser le renard avec le lord de l’endroit,
vociféra Flora, venimeuse.
    Élise saisit l’allusion perfide – son père ayant épousé
en

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