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Romandie

Romandie

Titel: Romandie
Autoren: Maurice Denuzière
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sa vive intelligence, sa générosité de cœur.
    — Le fait est, dit M. Laviron, que l’écrivain n’a
rien d’un don Juan. Il est petit, rond, assez peu soigné de sa personne, brèche-dent,
moustachu, ébouriffé et paraît avoir du mal à trouver son souffle. Mais son
regard est plein de feu, ses doigts tachés d’encre, sa parole pétillante. Je
dois ajouter que M me  Hanska n’a rien d’une Vénus. Elle est
grassouillette d’épaules et de visage mais elle a de beaux yeux noirs langoureux,
une chevelure brune, épaisse et bouclée, le teint mat. Il émane de cette femme,
au port altier, un charme indéfinissable, exotique, dit Pierre-Antoine.
    — Le fameux charme slave ! compléta Chantenoz.
    — Le maréchal comte Hanski est, au contraire, un homme
de santé fragile, raffiné. Un érudit plutôt timide, qui collectionne les autographes
de gens célèbres. Ignorant de son sort, il semble entretenir des rapports
amicaux avec M. de Balzac. Pyramus a rapporté que le trio a
excursionné à Bienne, sur le lac de Neuchâtel, à l’île Saint-Pierre. On s’est
si bien plu que, l’écrivain devant rentrer à Paris, on promit de se retrouver
pour Noël à Genève, ce qui a été fait comme vous savez.
    — Je puis vous dire, puisque nous sommes entre amis, reprit
le banquier, qu’en arrivant, le jour de Noël, M. de Balzac a trouvé
dans sa chambre, en guise de cadeau de bienvenue, un anneau dans lequel M me  Hanska
a fait sertir, à Genève, quelques-uns de ses cheveux ! Un indiscret a
rapporté l’anecdote à Gallopin, notre joaillier, car la chose n’est pas si
courante !
    — Mais elle est divinement romanesque ! s’exclama
Aricie.
    — Et c’est à l’hôtel de l’Arc que l’adultère, sans
doute impossible à Neuchâtel, aurait été consommé ? demanda Chantenoz, inquisiteur.
    — On peut le penser, car non seulement on a vu M me  Hanska
et M. de Balzac visiter seuls la villa Diodati, qu’a habitée Byron en
1816, et le château de M me  de Staël, à Coppet, mais la
dame rend visite à l’écrivain dans sa chambre, en plein jour !
    — Tout le monde sait que la plupart des adultères
urbains se commettent à l’heure du thé ! assura Chantenoz en souriant à sa
femme, comme pour lui rappeler leurs étreintes illicites quand, épouse de
pasteur, elle le rejoignait l’après-midi.
    — Et que fait le mari pendant ce temps ? Ne se doute-t-il
de rien ? demanda un peu sèchement Élise.
    Blaise intervint.
    — Il se pourrait que le maréchal Hanski ait aussi ses
occupations discrètes. Pas une maîtresse, non, mesdames, mais une révolution. Nos
vieux grognards du café Papon se demandent si ce boyard ukrainien, qui est
aussi baron polonais, ne serait pas venu à Genève pour soutenir de ses deniers
l’expédition projetée contre la Savoie, à laquelle les journaux font maintenant
ouvertement allusion.
    — Si cet Hanski est un aristocrate qui aide les révolutionnaires
que nous avons grand tort d’accueillir dans notre canton, je suis enchanté de
le savoir cocu ! s’exclama Pierre-Antoine.
    Un concert d’approbations ponctua cette déclaration. Seuls Blaise
de Fontsalte et son fils s’abstinrent de manifester autrement que par un
sourire. Quant à Martin Chantenoz, indifférent au sort des réfugiés politiques
et proscrits, il revint à Balzac en s’adressant à M. Laviron, qu’il savait
être l’un des généreux bailleurs de fonds de la Société de Lecture.
    — J’ai été étonné d’apprendre que les responsables de
la Société ont refusé l’achat des Contes drolatiques, de Balzac, et ont
même fait retirer des rayons un autre ouvrage de cet auteur, la Physiologie
du mariage, sous prétexte qu’il avait été acquis par inadvertance ! C’est
une forme de censure intellectuelle qu’exercent sur la littérature des esprits
étroits et dénués de curiosité. La littérature est en perpétuelle évolution, monsieur.
Elle est le reflet de son temps. La nouvelle école romantique a ses auteurs, parfois
excellents !
    — Je n’en doute pas. Mais les responsables de la
bibliothèque ne rendent pas de comptes aux donateurs, dit M. Laviron, étonné
par la sortie de Martin.
    Le professeur, bien décidé à poursuivre sa démonstration, donna
libre cours à son lyrisme coutumier.
    — Notre Romandie [15] ,
monsieur, dont le nom sonne comme le titre d’une romance, belle province
helvète de la langue française, qui s’étend de
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