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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Marché, seraient
de maçonnerie crépie, sur un soubassement de molasse.
    — Et l’aménagement intérieur, sera-t-il digne des
façades ? demanda Charlotte.
    — D’après le peu que je sais, l’intérieur a été conçu
dans le même style gothique et un soin extrême a été apporté à la décoration. On
y verra, dans l’escalier, des peintures murales imitant le marbre, dans le hall,
des pilastres toscans, partout des stucs néo-gothiques, dans les salons et
pièces d’apparat, des plafonds à caissons et des frises, qui rappelleront les
festons de crème dont les pâtissiers agrémentent les pièces montées, dit
Vuippens.
    — Je sais, moi, que le grand salon sera pourvu d’une
cheminée en marbre de Carrare, que les parquets, commandés à Vevey, seront
marquetés de motifs de bois clair et que l’on verra, partout, aux chambranles
des portes et aux encadrements de fenêtres, une profusion de moulures, de dais
de stuc tarabiscotés. Bref, si M. Couvreu n’avait pas renoncé aux créneaux
et aux mâchicoulis, sa demeure eût ressemblé à un château fort d’opéra ! confirma
Chantenoz [135] .
    Les fêtes de fin d’année s’achevaient de la plus heureuse
façon quand, au cours du dernier repas pris en commun au soir du 2 janvier,
un commis de la poste aux lettres vint remettre une dépêche à Flora.
    — Ça vient de Rome ! Sûr que ce sont les vœux de
Tignasse ! Pour une fois, elle n’aura pas oublié, dit M me  de Béran
en ouvrant le message.
    À peine eut-elle porté les yeux sur le papier que son visage
blêmit.
    — Mauvaise nouvelle ? s’enquit Charlotte vivement
en allant vers son amie.
    — Le mari de Rosine… il est mort, mort et enterré. Ma
sœur ne peut vivre seule à Rome. Il faut qu’elle revienne au pays, hoqueta
Flora.
    M me  Ribeyre de Béran n’avait jamais eu d’affection
particulière pour son beau-frère mais on doit à tout mort l’offrande d’une
larme. Elle ne retint pas les siennes.
    Pendant la soirée, on ne fit qu’évoquer le destin du disparu.
Julien Mandoz, rescapé du massacre des Tuileries le 10 août 1792, avait
fait une belle carrière dans la garde pontificale. Promu capitaine peu de temps
avant sa retraite, il devait laisser à sa veuve un honnête pécule. Son frère
Pierre, qui, en 1792, servait dans le même bataillon que lui, avait eu moins de
chance. Le premier fiancé de Flora figurait parmi les six cents Gardes-Suisses
tombés, le 10 août, sous les haches et les piques des émeutiers parisiens.
    On se souvint que Tignasse avait accompagné son mari, en
1821 à Lucerne, lors de l’inauguration du monument élevé par les Suisses aux
martyrs de 1792. Julien appartenait alors à la délégation de la garde
pontificale envoyée par le pape Pie  VII Axel n’avait pas revu Rosine, dite Tignasse, depuis cette date. Un rapide
calcul le rendit mélancolique et confus. Cette veuve récente qui l’avait initié,
l’année de ses quatorze ans, au plaisir élémentaire de l’amour, était
maintenant âgée de soixante-cinq ans. Il appréhenda la rencontre d’une si
vieille dame, dont il eût voulu garder l’image d’autrefois, celle d’une femme
vive et ardente, dont les cuisses blanches le troublaient si fort, quand, moins
innocemment qu’il ne le pensait alors, elle troussait robe et jupons pour
gravir l’échelle, dans son épicerie, à La Tour-de-Peilz.
    À la veille de la quarantaine, Axel Métaz, chez qui le sang
bouillant des Fontsalte réveillait souvent un désir de femme, souffrait de ne
plus connaître l’abandon confiant, la vraie griserie du plaisir, la tendre
complaisance qu’aurait pu offrir une maîtresse, mais que les prostituées, chez
qui il refusait maintenant d’accompagner Louis Vuippens « pour contenter
la bête », ne pouvaient dispenser. Il avait cru, un moment, que la brève
possession d’une fille soumise apaisait les sens et libérait l’esprit de toute
animalité. Or, plus lui manquait l’élection d’un être, la joute amoureuse, l’exploration
patiente d’une sensualité inconnue, la découverte d’un désir à satisfaire, que
l’étreinte prompte à libérer l’homme d’une pesante surabondance de vie. Seule
une femme éprise pouvait transmuer cet apaisement des sens en extase
partageable. En fait, lui manquait la passion. Et cela, Axel, quadragénaire aux
tempes grisonnantes, l’avait compris en découvrant l’inacceptable amour d’Alexandra.
    Depuis l’audacieux baiser

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