Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
d’une jeune fille de la bonne société dans le monde, elle a été
remarquée par le fils unique du premier banquier de Boston. Elle doit l’épouser
l’été prochain et j’aurai, enfin, un gendre selon mon cœur, capable de prendre
la suite de mes affaires. Si tout va comme je le souhaite, je pourrai donc
quitter ce monde l’âme sereine », concluait Guillaume.
    Axel Métaz relut plusieurs fois la longue lettre de
Guillaume et la rangea, avec les précédentes, dans un tiroir de son bureau. L’existence
lointaine de cet homme qui, pendant les dix-huit premières années de sa vie, avait
été son père, lui paraissait aujourd’hui irréelle. De l’exilé, il ne pouvait s’entretenir
avec quiconque, depuis que Simon Blanchod et Pierre Valeyres avaient quitté la
vie. Bien des vieux, à Vevey, devaient se souvenir de M. Guillaume, mais
aucun n’aurait jamais fait allusion à ce mari trompé, car le marquis de
Fontsalte jouissait de l’estime des notables et Charlotte, sa légitime épouse, ne
suscitait plus, vingt ans après son divorce, la moindre critique. Seule la mère
Chatard, avec un rien de perfidie et croyant mettre Axel mal à l’aise, se
risquait parfois à lui demander des nouvelles de son « ancien père
américain ». N’eût été l’âge de la vieille commère, Axel l’eût vertement
rabrouée, mais il se contentait de répondre que l’exilé avait complètement
oublié Vevey et les Veveysannes ragoteuses !
    En février, l’Europe, attendrie, apprit le mariage d’amour
de la reine Victoria avec le prince Albert de Saxe-Cobourg. À entendre
Charlotte et Flora commenter l’événement, on eût cru que la reine d’Angleterre
était une proche parente ! Les deux amies prirent une journée pour rédiger
une dépêche de félicitations et des vœux de bonheur, qu’elles expédièrent à la
souveraine en dépit des quolibets de Chantenoz et de Vuippens. Charlotte et
Flora croyaient maintenant fermement, à force d’enjoliver leurs souvenirs de
1838, que Victoria les avait personnellement invitées à son couronnement !
Axel, plein d’indulgence pour l’anglomanie de sa mère, dut écrire à Londres, à
John Keith, le banquier correspondant de Laviron, pour qu’il rassemblât et envoyât
les journaux rapportant la cérémonie nuptiale.
    À la grande stupéfaction des moqueurs, chacune des
Lausannoises reçut, un mois plus tard, une lettre de Buckingham Palace. Bien
que laconique et sans doute rédigé par un secrétaire, le message n’en portait
pas moins la signature de Sa Majesté : « La reine, très satisfaite
des sentiments exprimés à l’occasion de son mariage par la marquise de Fontsalte,
accepte les souhaits de bonheur qui lui ont été respectueusement adressés. »
Un texte identique parvint à la baronne Ribeyre de Béran qui, comme Charlotte, s’empressa
de faire encadrer ce royal accusé de réception !
    Un événement d’une autre importance allait, quelques
semaines plus tard, animer les conversations du cercle Fontsalte. M. Thiers
qui, depuis un certain temps, conduisait des tractations secrètes avec le
gouvernement britannique, venait d’annoncer, le 12 mai, à la Chambre des
députés, que le roi Louis-Philippe avait décidé de faire ramener en France les
restes de Napoléon I er . Bien que mécontents d’être mis devant
le fait accompli, les députés avaient voté, à une immense majorité, le retour
des restes de l’empereur.
    Cette décision, attendue depuis des années par les
bonapartistes, ne pouvait que réjouir Blaise de Fontsalte et Ribeyre de Béran. Les
deux généraux n’eurent cependant de cesse de connaître les noms des
soixante-cinq députés qui avaient voté contre la décision royale.
    Une semaine plus tard, ils ne cachèrent pas une nouvelle
indignation, quand leur parvint, de Londres, l’assurance que le gouvernement
anglais ne s’opposait plus, depuis des années, à la restitution à la France du
cercueil de l’empereur. L’ex-roi Joseph, ayant sollicité ce geste de lord
Palmerston, s’était entendu répondre : « Il suffit qu’on nous le
demande, mais aucun gouvernement français ne l’a jamais fait ! »
    Depuis la mort du proscrit, en mai 1821, tous les
bonapartistes fidèles à sa mémoire, plus encore ceux qui, généraux ou grognards,
avaient participé à sa prodigieuse aventure et partagé sa gloire, souhaitaient
le rapatriement des restes de Napoléon. Pour ces nostalgiques de l’Empire,

Weitere Kostenlose Bücher