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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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vingt-six États, c’est-à-dire
treize États esclavagistes et treize États sans esclaves. C’est là un équilibre
hypocritement voulu, que de nombreux politiciens, financiers et industriels du
Nord souhaitent maintenir, pour des raisons variées. Le Liberty Party va
présenter un candidat à l’élection présidentielle, qui aura lieu en novembre
prochain. Nous avons désigné James G. Birney [137] , du Kentucky. C’est
un ancien marchand d’esclaves repenti : il connaît donc bien le système
sudiste. Certes, il n’a aucune chance d’être élu président des États-Unis, mais
il fera entendre la voix de la conscience américaine que trop de gens s’appliquent
à étouffer. »
    Cet engagement de Guillaume dans la lutte contre l’esclavage
plaisait à Axel. Le goût de la liberté pour tous, le respect de la personne
humaine, sans considération de race, de nationalité ou de classe sociale, étaient
vertus vaudoises, que Guillaume Métaz lui avait tôt inculquées.
    Il apparaissait aussi, dans sa lettre, que le Veveysan
américanisé n’avait rien perdu du bon sens pratique vaudois et, réaliste, se
défiait des utopies « comme d’un philtre propre à endormir les consciences,
à parer la réalité de couleurs factices, à masquer tout ce que le quotidien a
de terre à terre, à faire rêver la vie au lieu d’accepter de la vivre telle que
Dieu nous l’accorde ou nous l’impose ». Aussi Guillaume Métaz se
moquait-il de ces Européens « qui voient l’Amérique comme une terre
promise et débarquent, pleins d’illusions, pour fonder, ici où là, des
communautés autarciques sans avenir ». Il disait avoir visité plusieurs de
ces groupes, soutenus financièrement par Robert Owen, un industriel et
philanthrope écossais, qui assurait à ses ouvriers de bons salaires, des
logements confortables, des écoles pour leurs enfants. Le tsar Nicolas I er et de nombreux philosophes socialistes avaient admiré cette expérience, qu’Owen
souhaitait reproduire et développer aux États-Unis en s’appuyant sur des
luthériens dissidents. « Je suis allé voir ces émigrés, qui désirent
acquérir des instruments aratoires, des outils, des matériaux de construction, naturellement
à crédit », écrivait Guillaume. « J’aurais aimé, en bon chrétien, leur
faciliter les choses, mais ils n’offrent aucune garantie de paiement, sinon sur
des récoltes à venir, ou sur les ventes futures d’objets manufacturés, alors
que les manufactures ne sont pas sorties de terre ! À New Harmony, dans l’Indiana,
à Yellow Springs, dans l’Ohio, à Shelby, dans le Tennessee, j’ai retrouvé les
mêmes rêveurs, en train de tirer des plans sur la comète, les même hommes, ardents
et durs au travail, suant sang et eau pour nourrir les adeptes, et les mêmes
paresseux qui les regardent faire. Ces bons bougres se disent communistes, parce
qu’ils mettent tout en commun, même les femmes, parfois ! Ils n’ont aucun
sens des affaires et refusent d’admettre ce qu’il est aisé de constater à
toutes les époques et sous toutes les latitudes, à savoir que l’homme ne
travaille, n’avance, ne se dévoue que s’il y trouve intérêt et profit. Je ne
suis donc pas entré en affaire avec eux, sachant, par avance, que je ne
retirerai pas ma mise. J’ai préféré leur laisser une obole et m’en aller. Le
seul acte charitable que l’on puisse accomplir à leur égard est de les
détromper et de les ramener dans notre société active, pleine d’imperfections
certes, mais où celui qui veut se donner de la peine tire un honnête profit de
son travail, sans avoir à le partager avec les bons à rien. »
    Cette analyse sociale fit sourire Axel, qui retrouvait chez
Guillaume ce sens aigu de l’économie, ancré dans son caractère. Dans son enfance,
Axel avait entendu cent fois le mari de sa mère répéter : « L’homme
qui ne se rend pas utile à la société, si modestement que ce soit, mais en fonction
de ses forces et capacités, mérite d’être abandonné à son sort. Chacun doit gagner
son pain à la sueur de son front. »
    L’Américain concluait en donnant des nouvelles de Blandine
et de sa fille Emily, qui allait sur ses quatre ans. Il annonçait aussi les
fiançailles de l’aînée des filles issues de son second mariage.
    Johanna-Caroline, qui a maintenant dix-sept ans, est d’une
beauté à faire tourner la tête d’un aveugle. Au bal des débutantes, qui marque
ici l’entrée

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