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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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l’évolution
du monde. Généreux et hospitalier pour les proscrits, militant pour l’abolition
de l’esclavage, historien scrupuleux, agronome imaginatif, il pouvait entrer
dans le Panthéon dont Martin Chantenoz regrettait que la Confédération ne se
fût pas dotée.
    — Toute la Suisse devrait porter le deuil de ce penseur,
dit le professeur à son retour des funérailles de Sismondi, inhumé au cimetière
de Chêne.
    Trois semaines plus tard, le 13 juillet, la France
prenait le deuil du duc d’Orléans, fils aîné du roi Louis-Philippe et héritier
présomptif du trône de France, victime d’une mauvaise chute sur le pavé
parisien. Alors qu’il allait prendre congé de son père, à Neuilly, avant de
partir pour une inspection militaire à Saint-Omer, le prince, qui se trouvait
seul dans son phaéton attelé de quatre chevaux, avait demandé, au bout de la
route des Ternes, un changement d’itinéraire à son cocher. Les chevaux s’étaient
emballés et le prince, voyant qu’on ne pouvait les maîtriser, avait sauté de sa
voiture. Mais il était tombé lourdement sur le pavé. Relevé avec une fracture
du crâne, il avait expiré quatre heures plus tard, dans la maison d’un épicier,
chez qui les témoins de l’accident l’avaient déposé [155] .
     
    La disparition de Jean-Dominique Larrey, légendaire
chirurgien en chef de la Grande Armée, mort à Lyon le 25 juillet, atteignit
tous les vétérans des guerres de l’Empire. Le médecin, âgé de soixante-seize
ans, avait contracté une pneumonie lors d’une mission d’inspection en Algérie
et avait succombé, malgré les soins de ses confrères. L’adjudant Trévotte considérait
qu’il lui devait la vie, au prix d’une jambe, car il avait été l’un des
premiers opérés, sur le champ de bataille, par désarticulation, méthode que
prônait Larrey. Cette chirurgie d’urgence permettait en quelques secondes l’amputation
d’un membre sans qu’on eût à scier les os, opération qui nécessitait des instruments,
prenait du temps et immobilisait les chirurgiens. À la Berezina, on avait vu
Larrey, toujours au cœur du combat, opérer des blessés sans descendre de son
cheval. Des milliers de grognards devaient la vie à ce praticien intrépide, républicain
convaincu, qui avait joui de la confiance de Bonaparte, puis de celle de
Napoléon, bien qu’il ait su parfois tenir tête à l’empereur, qu’il se vantait
de connaître « comme sa poche ». Sa carrière de chirurgien militaire,
commencée à l’armée du Rhin, en 1792, s’était achevée à Waterloo. C’est Larrey,
alors aide-major, qui avait pansé, à Altenkirchen, le 4 juin 1796, la
première blessure bénigne d’un jeune officier de cavalerie nommé Blaise de Fontsalte.
    — Je ne l’ai jamais rencontré que dans une ambulance. À
Lauterbourg, quand j’ai reçu un coup de biscaïen prussien ; aux Pyramides,
pour une estafilade due au poignard d’un mamelouk ; sous les murs de
Castel Ceriolo, en 1800, parce qu’un Autrichien m’avait entamé la cuisse avec
son sabre, rappela le général, avec un sourire mélancolique.
    Aussi voulut-il, avec Claude Ribeyre de Béran, se rendre à
Lyon, pour s’incliner devant la dépouille de ce grand serviteur de l’Empire, promu
par les grognards providence du soldat. Titus, lui aussi plein de gratitude, conduisit
la berline. Tous trois revinrent des obsèques avec un nouveau grief contre le
maréchal Soult. Bien que connaissant parfaitement les mérites de Larrey, son
courage, sa prodigieuse habileté de chirurgien, ses titres de professeur au
Val-de-Grâce et ses fonctions de chirurgien en chef des Invalides, le ministre
de la Guerre avait refusé à Hippolyte Larrey, fils du défunt, l’inhumation que
souhaitait son père, dans le jardin de l’infirmerie des Invalides. « Ce
genre de sépulture est réservé aux maréchaux de France et aux gouverneurs »,
avait répondu Soult avec hauteur [156] .
    — Quel rancunier ! Soult n’a pas pardonné à Larrey
d’avoir innocenté les trois mille jeunes recrues accusées de mutilations
volontaires, en 1813, au lendemain de la bataille de Bautzen. Souviens-toi de l’affaire,
qui fit grand bruit. Toutes nos Marie-Louise [157] portaient des blessures aux doigts. Soult et Oudinot se disaient assurés qu’il
s’agissait de mutilations volontaires et voulaient faire fusiller tous ces
garçons. L’empereur demanda à Larrey de présider un comité de

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