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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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chirurgiens
militaires, pour expertiser les louches blessures de plus de deux mille fantassins.
Larrey les sauva du peloton d’exécution en affirmant à Napoléon qu’aucun des
jeunes blessés n’était coupable, et que les rares blessures douteuses avaient
été constatées sur de vieux et vaillants soldats qu’on ne pouvait soupçonner, rappela
Ribeyre.
    — Je m’en souviens : Soult demanda que l’on
désignât alors quatre fantassins douteux, qu’il ferait passer par les armes
pour l’exemple, compléta Blaise.
    — Et le malin Larrey fit désigner quatre vieux
briscards que l’empereur ne pouvait envoyer au peloton. Ce jour-là, sans opérer
et sans être dupe, Larrey a encore sauvé de nombreuses vies. Soult ne le lui a
jamais pardonné, répéta le général Ribeyre.
    Comme Blaise et les officiers des Affaires secrètes et des
Reconnaissances, il savait à quoi s’en tenir sur les mutilations absoutes des
Marie-Louise. La vue de plus de vingt mille morts, prix de la victoire de
Bautzen sur les Russes et les Prussiens, en avait effrayé beaucoup et conduit
plus d’un à se tirer une balle dans la main ou à se couper un doigt.
    En rentrant à Lausanne, les deux généraux trouvèrent leurs
épouses et Aricie Chantenoz fort frivolement occupées au choix des toilettes qu’elles
étrenneraient lors des auditions, réceptions et bal du concert helvétique, manifestation
musicale, civique et patriotique, qu’il revenait au canton de Vaud d’organiser
cette année-là, au mois d’août.
    — Depuis des semaines, on ne parle ici que d’enterrements !
Cette fête nous réconciliera avec la vie, observa Charlotte.
    — Tu as raison, laissons les morts enterrer les morts, ajouta
Flora, qui venait de décider sa sœur Rosine à clore son deuil pour participer à
la fête fédérale de la musique.
    — N’empêche que la mort moissonne beaucoup, ces
temps-ci, chez les grands de ce monde, constata Aricie, morose.
    — Oh ! les petits ne seront pas oubliés par la
camarde. On sent qu’elle rôde, comme une hyène, augura Tignasse d’une voix sépulcrale.

2
    De toutes les villes du canton, Vevey fut, en 1842, celle
qui fournit le plus de choristes au vingt-troisième concert de la Société
helvétique de musique, organisé à Lausanne.
    Depuis le mois de février, trente et un garçons et filles
répétaient avec application, à Saint-Martin, le Stabat Mater de Rossini
et le Lobgesang de Mendelssohn, œuvres chorales inscrites au programme, avec
la Symphonie n° 5 de Beethoven. Il en était de même dans plusieurs
cités vaudoises, d’Aigle à Yverdon et de Morges à Payerne, où l’on pratiquait
le chant. Il s’agissait de rassembler, en plus de cent quatre-vingt-deux musiciens,
sous la baguette d’Ernest Mascheck, violoniste pragois et chef renommé, cent
trente-huit soprani, cent seize alti, cent trente-deux ténors, cent trente-huit
basses et neuf solistes. Au total cinq cent trente-trois chanteurs et
chanteuses, effectif jamais atteint depuis le premier concert de la Société
helvétique de musique, en 1808, à Lucerne. Les artistes se produiraient, à partir
du 3 août, sous les voûtes de la cathédrale de Lausanne [158] . Le fait
de transformer la cathédrale en salle de concert, où serait donnée de la
musique profane, ne plaisait pas à tous. Mais l’ancienne église catholique, consacrée
à Notre-Dame en 1275 par le pape Grégoire X, devenue temple protestant
après la fameuse dispute dogmatique d’octobre 1536, était la seule
enceinte assez vaste pour recevoir exécutants et public dans une cité de
quatorze mille habitants.
    Comme le tir fédéral, le concert helvétique était une
manifestation patriotique propre à exalter l’esprit confédéral, à prouver que l’union
des différences de langues, de religions, de cultures restait le ciment
inaltérable qui avait fait de vingt-deux cantons souverains une nation. Lors
des tirs fédéraux, les meilleurs fusils, délégués par chaque canton, se
mesuraient face aux cibles ; lors des concerts helvétiques, un canton
invitait les autres à venir confirmer et affermir, en musique et en chantant, l’antique
alliance du Grütli. Cette manifestation artistique, d’une ampleur populaire
inusitée, revêtait pour les Helvètes un aspect mystique, souvent dissimulé par
respect humain ou crainte d’être incompris des étrangers attirés par la grande
fête de la musique.
    Les Fontsalte, qui ne perdaient jamais une

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