Romandie
occasion de
réunir parents et amis à Beauregard, accueillirent, pour une semaine, Élise et
son mari, les Chantenoz, les Laviron et leur fille adoptive. Les Ribeyre de
Béran et Rosine Mandoz, voisins immédiats, furent de toutes les sorties et
Vuippens fit plusieurs apparitions quand il sut que Zélia accompagnait
Alexandra.
Charlotte se souvenait que Lausanne avait déjà eu l’honneur
d’organiser le concert helvétique en 1823. On avait joué la Symphonie n° 103 de Haydn et un oratorio de Beethoven, Christ au mont des Oliviers. Cette
fois-ci, on comptait sur la présence de M. Mendelssohn et de Cécile, sa
jeune épouse. Le compositeur était un habitué du pays de Vaud, où il avait fait
plusieurs séjours. M. Rossini, invité lui aussi par les organisateurs, avait
exprimé son regret de ne pouvoir se déplacer, à cause d’un mauvais état de
santé, mais il avait envoyé des instructions pour l’interprétation de son Stabat
Mater. Cette œuvre, commandée au compositeur italien par un banquier
madrilène qui voulait l’offrir à un couvent espagnol, avait été créée à Paris, le
7 janvier de la même année, à l’Opéra. Son succès se propageait déjà à
travers l’Europe et les Suisses seraient parmi les premiers à la révéler aux
mélomanes.
On murmurait, rue de Bourg et dans cercles et salons, que la
première répétition, le 16 juillet, avait été décevante. Faire jouer et chanter,
juste et ensemble, sept cent quinze exécutants constituait un défi majeur. La
soliste, M lle Ernst Seidler, prima donna de l’opéra de Vienne, et
le célèbre corniste Baer, de Zurich, n’avaient, disait-on, pas caché leur
inquiétude.
Indépendamment de la manifestation musicale, se tenait, aussi,
la réunion annuelle de la Société helvétique de musique. Le lundi 1 er août,
sous une pluie persistante, le président du concert, le conseiller d’État
Jacquet, et les autorités vaudoises accueillirent les délégués confédérés. L’artillerie
du Gymnase et de l’École moyenne avait mis deux batteries en action et des
salves annoncèrent l’arrivée des délégations de Berne, de Fribourg, du Valais
et d’autres cantons. Rassemblés derrière le drapeau de la Société, confié
depuis un an à la section lausannoise, et entraînés par la musique de la milice,
les confédérés se rendirent au Cercle du Tirage où eut lieu la réception
officielle. L’après-midi, sous le soleil enfin revenu, toutes les personnalités
descendirent à Ouchy, pour recevoir les représentants de Genève qui
débarquaient du Léman. De nombreux bateaux escortaient le vapeur sous
grand pavois. Bannières et musique en tête, le cortège gravit la pente raide
qui conduit à la promenade de Montbenon. Tout au long du parcours, quantité de
femmes élégantes et de messieurs endimanchés acclamèrent les Genevois.
Les organisateurs, contraints de loger cent soixante-dix
délégués des cantons, avaient accédé au vœu de M. Alexandre Vinet, professeur
à l’Académie, en distribuant, pour la dernière répétition générale, trois mille
billets gratuits aux Lausannois qui n’auraient pas les moyens de payer
vingt-cinq batz [159] pour assister à l’un des concerts publics. Partout, en ville, on vendait le portrait
du chef d’orchestre, des médailles souvenir, des programmes et des partitions
des œuvres qui seraient interprétées.
Le 3 août, à deux heures et demie de l’après-midi, le
cercle Fontsalte au grand complet se rendit au premier concert, à la cathédrale,
en espérant qu’il serait meilleur que la répétition générale du matin, qualifiée
de cacophonique par les experts.
Avant même que le chef apparût dans le sanctuaire, où se
pressaient plus de deux mille auditeurs, les Fontsalte et leurs amis jouirent d’un
spectacle grandiose. Dans la nef illuminée, deux cents jeunes choristes, en
robe et voiles blancs, se tenaient en amphithéâtre derrière l’orchestre, tandis
que, sur les bas côtés, s’étageaient les rangs de leurs compagnons, vêtus de
noir et portant en sautoir le ruban rouge brodé d’une lyre d’or, insigne de la
Société.
Cette fois-ci, les amateurs furent satisfaits. L’orchestre
interpréta la Symphonie n° 5 de Beethoven, « avec feu et sans
hésitation », écrivit le lendemain un critique. Les chœurs rendirent avec
scrupule le Stabat Mater de Rossini. À l’entracte Élise, Charlotte et
Alexandra, musiciennes confirmées, furent
Weitere Kostenlose Bücher