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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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de miliciens, qui
escortèrent le corbillard de l’église au cimetière. Le colonel Wildenberg tint
à porter lui-même, derrière le char funèbre, le coussin de velours cramoisi sur
lequel Blaise avait épinglé les décorations de son ami.
    Amputé de Ribeyre et de Chantenoz, le cercle Fontsalte entra
dans une période de complète atonie. Les survivants semblaient fuir les
réunions, même si Charlotte, par une nouvelle disposition de la salle à manger,
avait éliminé les chaises vides. Au cours de l’été, elle vint à Rive-Reine
confier à son fils l’inquiétude que lui inspirait, depuis la disparition de
Ribeyre, le comportement de Blaise. Le général ne paraissait guère qu’à l’heure
des repas et passait des heures dans son cabinet de travail, à classer les
notes et mémoires rédigés avec son ami défunt, sans trouver le courage de
poursuivre seul la tâche entreprise à deux. Lui, si actif d’ordinaire, restait,
certains jours, assis tout l’après-midi dans un fauteuil d’osier, sur la
terrasse de Beauregard, à fixer le Léman. Quand sa femme, ou Trévotte, lui
adressait la parole, il sursautait, comme si le son d’une voix le rappelait
soudain aux réalités d’un univers qu’il avait déjà fui.
    Axel tentait vainement, de temps à autre, de l’entraîner
comme autrefois dans une partie de pêche ou de chasse, mais le général trouvait
toujours une excuse pour différer. Devant l’insistance de son fils, il finit
par lui confier qu’il n’avait plus goût à rien et que la seule chose qui le
rattachait encore à la vie était la responsabilité qu’il avait d’assurer le
bien-être de Charlotte. Le docteur Vuippens affirmait que le temps ferait
accepter à M. de Fontsalte la perte de son ami et qu’il reprendrait
goût à l’existence. Le médecin conseilla d’amener souvent Vincent, le
petit-fils préféré de Blaise, à Beauregard. Cela aiderait peut-être le vieux
général à retrouver, au spectacle de cette jeune et ardente vie, un sens à la
sienne. C’est ainsi que l’aîné des enfants Métaz fit de fréquents séjours à
Beauregard où, peu à peu, Blaise entreprit de lui raconter, en la parant des
couleurs d’un conte, ce qui était racontable à un enfant de dix ans de l’épopée
impériale qu’il avait vécue.
    Au ressat des vendanges, rendez-vous social obligé entre
propriétaires vignerons et vendangeurs, Aricie fit part d’une décision qui allait
l’éloigner définitivement du cercle Fontsalte. Après avoir mis de l’ordre dans
les papiers du professeur Chantenoz, qu’elle avait confiés à Axel, suivant
ainsi la volonté de Martin, elle annonça à ses amis qu’elle se retirait chez
les dames diaconesses de Saint-Loup, communauté religieuse protestante fondée
en 1842, à Échallens, par le pasteur Louis Germond. Ce ministre de l’Église
libre avait été victime d’exactions de la part de coreligionnaires protestants,
partisans de l’Église nationale, qui avaient saccagé l’oratoire, installé dans
le rez-de-chaussée de l’antique château des Montfaucon, devenu propriété de la
commune en 1816, et détruit sa bible. Le pasteur, homme de bien et de
conviction, entendait compenser l’activité des religieuses catholiques, installées
dans la région. L’institution des dames diaconesses avait pour but, en effet, d’assurer
aux malades, surtout aux plus démunis d’entre eux, des soins quotidiens « dans
un esprit marqué par l’amour et l’esprit d’évangile mais sans prosélytisme ».
À cet effet, il convenait de faire des diaconesses des infirmières, sans
négliger leur formation spirituelle. Aricie, instruite et pieuse, était une
précieuse recrue pour la jeune communauté.
    Quand elle vint faire ses adieux à Charlotte, celle-ci s’enquit
du sort réservé à Basil, le valet des Chantenoz. M me  de Fontsalte
l’eût volontiers embauché car Benjamin et Gertrude, ses vieux domestiques, souhaitaient
se retirer dans leur village du pays de Joux.
    — Basil, qui ne m’a jamais quittée, me suit à Échallens.
La communauté a besoin d’un homme à tout faire et d’un jardinier. Il nous
rendra de grands services, dit-elle.
    Louis Vuippens se dit étonné par la décision d’Aricie, dont
la beauté hiératique restait, à quarante-deux ans, intacte.
    — Elle aurait encore pu offrir quelques belles nuits à
un troisième mari ! dit-il à Axel.
    — Figure-toi qu’elle a eu, depuis la mort de Martin,

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