Romandie
lieu, ou
qu’elle a déjà eu lieu, il doit être envisagé comme requis en conformité du
Pacte et obligé de mettre sur pied le nombre de troupes nécessaires selon les
circonstances, sans attendre la réquisition officielle du canton respectif. »
Tel était le premier article du traité. Pour organiser la défense collective, les
alliés avaient constitué un conseil de guerre composé des délégués des cantons
qui, doté de pouvoirs étendus, prendrait les mesures propres à assurer la
protection du ou des cantons menacés. Un article prévoyait le paiement des
frais occasionnés par les levées de troupes.
Les représentants à la Diète des sept cantons alliés, ceux
de Lucerne particulièrement, furent scandalisés quand ils virent arriver, en
août 1846, comme député de Berne, l’avocat Johann Ulrich Ochsenbein, l’homme
qui, en mars 1845, commandait la deuxième expédition des corps francs et
qui, pour cette action révolutionnaire, avait été radié de l’état-major de l’armée
fédérale où il servait alors avec le grade de colonel. Ce juriste ami de Druey
avait du sang lucernois sur les mains et ne souhaitait que venger la cuisante
défaite infligée à ses troupes.
Quand, sur les instances des radicaux les plus vindicatifs, dont
Druey, député du canton de Vaud – que l’ambassadeur d’Autriche nommait
dans ses dépêches « le lion de l’anarchie » –, la Diète fut
invitée à voter la dissolution du Sonderbund, « alliance illégale qui
créait un État dans l’État », les radicaux furent déçus. Les cantons de
Genève et de Saint-Gall observèrent une prudente réserve et aucune majorité ne
se forma en août pour exiger l’expulsion des jésuites – prétexte politique
qui avait la vie dure – et la dissolution du Sonderbund.
Axel se trouvait à Genève, chez les Laviron, quand furent
révélés par les journaux les travaux de la Diète.
— Le refus de nos députés de voter la dissolution de l’alliance
des sept va susciter, je le crains, une nouvelle agitation, prophétisa
Pierre-Antoine.
— Que pouvaient-ils faire d’autre ! Ce sont les
votes des catholiques genevois qui assurent encore la majorité des
conservateurs au Conseil d’État, observa Axel.
— Il est probable que Fazy et Carteret vont s’indigner,
dire que Genève, la cité de Calvin, protège les jésuites et refuse de condamner
ceux qui veulent faire éclater la Confédération avec l’appui des puissances
étrangères, dit Alexandra.
M me Laviron, qui connaissait les relations
de la célèbre artiste et philanthrope genevoise Henriette Rath [188] avec François
Guizot, intervint.
— Je puis vous dire en tout cas que M. Guizot, le
ministre des Affaires étrangères de France, suit de très près la situation en
Suisse. Il est tenu informé, bien sûr, par son ambassadeur auprès du Directoire
fédéral, mais en ce qui concerne Genève, c’est Henriette qui le renseigne le
mieux. Vous savez comme moi que M. Guizot, protestant bon teint, a fait
une partie de ses études à Genève, et ce n’est un secret pour personne qu’il
fut amoureux de la fille adoptive d’Henriette, cette petite Clémentine, dont on
ne sut jamais l’origine, sinon qu’Henriette trouva un jour un bébé abandonné au
bord d’un chemin et qu’elle le rapporta chez elle pour l’élever. Naturellement,
les mauvaises langues ont daubé sur cette trouvaille, comme elles daubent
encore sur l’origine de Sophie, la fille adoptive de Jean-Gabriel Eynard. Mais
là n’est pas la question. M me Guizot mère et son fils, François,
sont restés en relation avec les sœurs Rath, et Henriette correspond
fréquemment avec le ministre. Ainsi, il lui a écrit l’an dernier, après l’affaire
des corps francs de Lucerne, une lettre que j’ai eue sous les yeux. M. Guizot
y remercie Henriette des renseignements qu’elle lui a envoyés et lui fait part
de son inquiétude quant à la situation de notre Confédération. J’ai retenu sa
phrase : « Je voudrais croire que les périls intérieurs de la Suisse
sont passés, écrit-il, car je l’aime presque comme si elle était ma patrie. Mais
je crains bien que le mal ne soit encore plus profond que l’explosion n’en a
été violente. Rien n’est plus difficile que de redresser le ressort gouvernemental
quand il a été faussé. » Et M. Guizot écrit encore : « Je
ne demande aux vrais patriotes suisses qu’une seule chose ; c’est de
croire
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