Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
que nul, parmi eux, ne veut à la Suisse plus de bien que moi et n’a plus
sincère désir de la servir [189] . »
    — Les radicaux répandent en effet que la France et l’Autriche
seraient prêtes à intervenir pour protéger les cantons catholiques s’ils
étaient encore attaqués par les cantons radicaux. On murmure à Lausanne que les
Lucernois, les Fribourgeois et les Valaisans achètent des armes en France, dit
Axel.
    — Quand on achète des fusils, c’est pour s’en servir !
Tout cela finira par une guerre civile, comme aurait certainement dit notre ami
tant regretté Martin Chantenoz. Nous découvrons aujourd’hui que son pessimisme,
dont nous nous moquions, risque, hélas, d’être justifié, conclut Pierre-Antoine.
    Et ce pessimisme fut justifié, à Genève, dès le samedi 3 octobre.
    Après que le Grand Conseil genevois eut une fois de plus
refusé la dissolution du Sonderbund, James Fazy invita, par un avis encadré de
noir dans son journal la Revue de Genève, les citoyens à tenir, le dimanche
4 octobre, une assemblée populaire place Saint-Gervais.
    Juché sur une borne, le politicien harangua trois ou quatre
cents fidèles, pour qu’ils ameutent leurs concitoyens et les rassemblent sur la
place du Temple, le même jour, dans l’après-midi. Cette fois, il y eut foule. Avec
l’argumentation primaire qui convient pour s’assurer l’approbation des gens
simples, le tribun, moustache frémissante et mèche rebelle barrant le front, telle
une grosse virgule, lança : « Voulez-vous dépendre du roi de
Sardaigne ? » « Non ! Non ! » hurla le peuple
endimanché. « Voulez-vous dépendre de la France ? » reprit Fazy.
« Non ! Non ! » se récrièrent les bousingots et leurs
compagnes. « Voulez-vous rester Suisses ? » ajouta le chef
radical. « Oui ! Oui ! » s’enthousiasmèrent les badauds. Et
Fazy de donner la méthode pour échapper à une annexion sarde imaginaire et à
une occupation française inventée : « Alors, il faut protester contre
le vote anti-national du Grand Conseil ! » cria-t-il, certain d’être
approuvé. On créa, sur-le-champ, une commission constitutionnelle de vingt-cinq
membres, tous amis de Fazy, pour protester contre la décision des aristocrates
qui, malgré le suffrage universel, et même grâce à lui, tenaient encore un
pouvoir que la minorité radicale entendait maintenant s’adjuger par la force. Le
temps de conspuer les jésuites, qu’on avait tendance à oublier, de tendre le
poing vers la rive gauche et la haute ville, où l’on prenait le thé sous les
lambris en ignorant superbement les émois vulgaires du petit peuple, et le
mouvement fut lancé.
    Cette fois, M. Fazy et ses acolytes ne commettraient
pas l’erreur de faire appel aux urnes ingrates de la démocratie. Aidés de
quelques intellectuels en mal de justification sociale, d’une poignée de nantis
opportunistes, prêts à renier leur classe pour obtenir du peuple des sinécures
et des honneurs que leurs pairs refusaient à de maigres talents, les radicaux
prendraient le pouvoir, les armes à la main.
    Axel, qui subodorait, comme les Laviron, que la fermentation
des esprits, stimulée par Fazy et ses acolytes, pouvait d’un jour à l’autre
provoquer une nouvelle explosion de violences, aurait volontiers prolongé son
séjour à Genève. Mais le temps de la vendange dans le Lavaux était venu et la
pluie opiniâtre qui faisait gonfler le Rhône risquait de détremper le vignoble
avant la cueillette. Il regagna donc Vevey, laissant Alexandra et ses amis dans
la crainte des émeutes, car le peuple de Saint-Gervais s’armait et le Conseil d’État
se préparait à mobiliser les milices et à recruter six cents embrigadés pour
protéger l’hôtel de ville.
    Ce n’est donc qu’au ressat des vendanges, trois semaines
plus tard, que les Veveysans eurent par les Laviron et surtout par Alexandra
qui, intrépide, avait parcouru la ville livrée aux émeutiers, un compte rendu
plus objectif que ceux publiés par les feuilles radicales, des violences qui
avaient ensanglanté Genève les 7 et 8 octobre.
    Les 5 et 6 octobre, sept tentatives de conciliation, conduites
par des émissaires du Conseil administratif, avaient échoué. Les efforts des
modérés s’étaient heurtés à la double intransigeance des radicaux et du Conseil
d’État.
    Pierre-Antoine Laviron raconta :
    — Fazy et ses amis voulaient l’affrontement. Il y a en
eux une haine des

Weitere Kostenlose Bücher