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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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matin à
deux heures de l’après-midi. Le premier chapitre de l’ouvrage fut terminé en
juillet : on l’apprit, avec émotion, par une indiscrétion du gérant de la
poste, chargé d’expédier le manuscrit en Angleterre.
    Ce fut, d’une manière plus mondaine, par une demoiselle
anglaise, venue cacher à Lausanne un chagrin d’amour incoercible et dont Charlotte
s’était fait une amie, que l’on sut à Beauregard les raisons véritables du
séjour suisse de l’écrivain.
    — Il règne en Angleterre, actuellement, une grande
agitation politique, à cause des droits sur les blés, dont tout le monde
demande l’abrogation. M. Robert Peel, notre Premier ministre, a prononcé à
ce sujet un important discours, pour demander le retour au libre-échange.
M. Dickens, qui pense comme M. Peel, avait choisi de faire campagne
dans cette affaire. Il n’avait rien trouvé de mieux que se faire journaliste au Daily News, pour défendre ce qu’il appelle les victimes d’un système
social égoïste, c’est-à-dire les pauvres et les gens qui, comme son propre père
autrefois, sont mis en prison quand ils ne peuvent pas payer leurs dettes !
Charles est un sentimental, qui se souvient de son enfance épouvantablement
pauvre. Il croit que tous les misérables sont de braves gens et que tous les
riches sont des exploiteurs et des jouisseurs égoïstes ! C’est un peu
simplet, ne trouvez-vous pas ? dit l’insulaire.
    — Personne, mieux que lui, n’a su raconter la triste
vie des indigents dans une grande ville. La misère est une réalité que les
nantis ne soupçonnent pas ou, ce qui est pire, ne veulent pas voir quand ils
connaissent son existence, dit sèchement Axel, qui assistait à l’entretien.
    Charlotte intervint.
    — On dit qu’il a réellement vécu tout ce qu’il prête à
ses personnages…
    — Je crois bien qu’il exagère un peu, coupa l’Anglaise.
Il y a assez d’institutions charitables, financées par des gens aisés en Angleterre,
pour aider les miséreux sans qu’il soit utile d’imposer leur vue à tout le
monde ! Et puis M. Dickens est très susceptible. Ainsi, bien que les
propriétaires du Daily News l’aient promu, d’emblée, rédacteur en chef
aux appointements mirifiques de deux mille livres par an, Charles n’a pas su s’entendre
avec eux. Savez-vous qu’il ne leur reconnaissait pas le droit d’intervenir dans
la conduite politique du journal ! Or, ces gens sont les propriétaires et,
lui n’était que l’employé ! Aussi Dickens a-t-il démissionné au bout de
trois semaines.
    — C’était faire preuve de caractère ! Un esprit de
sa qualité, un écrivain de sa réputation ne peut se voir dicter des consignes
par des ignares, qui ne pensent que finance et conservatisme, observa Axel.
    — Si les gens qui paient ne peuvent plus commander, dans
un journal comme ailleurs, où allons-nous ! souffla l’Anglaise.
    Charlotte, pour prévenir une discussion, demanda si M. Dickens
n’avait pas, aussi, brigué une fonction officielle.
    — Il espérait, en effet, après tous ses succès
littéraires, obtenir du gouvernement un poste honorable. Mais il semble qu’en
politique l’ingratitude soit preuve d’indépendance. Charles n’a rien obtenu. C’est,
peut-être, pour oublier sa déception et aussi parce qu’on le dit fatigué et un
peu revenu de la chose littéraire, qu’il a choisi votre beau lac.
    Charlotte de Fontsalte, dont le salon, à Beauregard, avait
retrouvé au fil des années l’ambiance intellectuelle et mondaine de celui fondé,
rue de Bourg, par la défunte Mathilde Rudmeyer, espéra, pendant quelques
semaines, accueillir le célèbre écrivain. Elle pouvait légitimement prétendre à
une telle faveur, non seulement parce qu’elle servait le meilleur porto et les
meilleurs beignets, comme l’avait toujours proclamé le regretté Chantenoz, mais
aussi parce qu’elle comptait, dans la colonie britannique, assez d’amies
capables de s’entremettre pour lui amener l’auteur anglais.
    Charlotte avait mésestimé l’influence de quelques mauvaises
langues, qui rappelèrent que M me  de Fontsalte, catholique
divorcée d’un Veveysan, nommé Guillaume Métaz, était l’épouse d’un général d’Empire
qui, toute sa vie, avait combattu les Anglais. Or, les Dickens vouaient à
Napoléon une détestation toute britannique. Ce ragot écarta l’écrivain de Beauregard.
    Ayant peu de distractions, la bonne société

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