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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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financier devenu prospère. Formé par cet homme d’affaires,
William, entré à la banque à l’âge de seize ans, avait montré de telles
capacités qu’il était devenu, à vingt-cinq ans, l’un des directeurs de la
Banque d’Angleterre. Parfaitement intégré à la société britannique, il avait bientôt
obtenu un siège au Parlement pour représenter le comté d’Ipswich, de 1820 à
1826. Ayant augmenté sensiblement la fortune paternelle, M. Haldimand
avait décidé, en 1827, en raison d’une santé fragilisée par le climat insulaire,
de revenir, en rentier et en philanthrope, « vivre le reste de son âge »
au pays natal.
    À Lausanne, il habitait avec sa famille le Denantou, un
vaste domaine des bords du lac, situé à l’ouest du port d’Ouchy. Les Lausannois
estimaient cet homme généreux, fondateur, en 1843, avec Elizabeth Jeanne Cerjat,
autre Anglo-Suisse, et Henri Hirzel, de l’Asile des aveugles.
    William Haldimand appartenait à cette catégorie d’hommes du
monde cultivés, qui recherchent la compagnie des intellectuels et usent avec
intelligence de leur fortune, pour faciliter la vie de leurs semblables moins
bien lotis.
    Charlotte de Fontsalte, qui fréquentait le salon de M me  Haldimand,
avait un jour entendu le maître de maison expliquer : « Les gens à
leur aise, les oisifs, les riches ne sont qu’une infime minorité dans ce monde
et, pourtant, cette minorité semble se figurer que le monde a été fait pour
elle ; il est vrai que trop souvent les apparences lui ont donné raison, mais
il faut se placer à un autre point de vue. »
    Et c’est sans doute en fonction de cet « autre point de
vue », que William Haldimand, imitant en cela le mécène genevois Gabriel
Eynard, philhellène convaincu et actif, s’était autrefois porté caution pour
une somme de cinq cent mille francs de l’exécution du contrat qui confiait à l’amiral
anglais, lord Cochrane, le commandement de la flotte engagée, contre Turcs et
Égyptiens, dans une coûteuse guerre de libération de la Grèce.
    Blaise de Fontsalte n’avait aucune sympathie particulière
pour les Anglais et les anglomanes, non plus que pour les gens trop riches, qui
pratiquaient les bonnes œuvres de façon spectaculaire. Il reprochait à
Haldimand et à deux de ses richissimes amis les coûteuses fantaisies qu’ils s’étaient
offertes à l’issue d’un pari. William Haldimand, Charles Cerjat et Vincent
Perdonnet avaient, en effet, parié, sacrifiant au mauvais goût qui menaçait
depuis quelque temps l’architecture vaudoise, de faire construire, à Lausanne, de
fausses ruines d’aspect aussi authentique que des vraies. Haldimand avait donc
érigé une tour médiévale à demi détruite au bord du lac, près de sa propriété ;
Cerjat avait construit un donjon sur sa terre de Rovéréaz, tandis que Perdonnet
dressait, dans le parc de son domaine de Mon Repos, une tour néogothique et
finançait avec ses amis la construction d’une abbaye de même style, dite de
Sainte-Cécile-aux-Champs, ainsi que le creusement de grottes à Jouxtens-Mézery [185] .
    — Les sommes dépensées pour ces antiquités factices, élevées
à la vanité de leur bâtisseurs, eussent été mieux employées à secourir les
indigents, dans une ville où l’on compte plus de mille trois cents personnes
assistées par la Bourse des pauvres de la commune, fit observer le général à
son fils, de passage à Beauregard, au moment où, partout en ville, on évoquait
la présence de Charles Dickens.
    Après quelques jours passés à l’hôtel Gibbon, les Dickens
louèrent, pour dix livres ou deux cent cinquante francs de Suisse par mois, la
villa Rosemont, agréable résidence entourée d’un parc autrefois nommé Petit
Bien [186] .
Dans le jardin, un pavillon de deux pièces permit de loger les domestiques. Dickens
donna tout de suite aux Lausannois l’impression qu’il s’installait pour
longtemps. Il fit bientôt venir de Londres des meubles et ses bibelots
familiers pour décorer son bureau, une pièce située au premier étage de la
maison, dont le balcon donnait sur le lac.
    Le 27 juin, le bruit se répandit dans les salons de la
rue de Bourg que M. Dickens, ayant reçu d’Angleterre encre, plumes d’oie
et plusieurs mains du papier bleu sur lequel il aimait écrire, allait se mettre
au travail. Il entreprit en effet, aussitôt, la composition de Dombey and
Son. Il écrivait, sut-on par les fournisseurs, de dix heures du

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