Romandie
édifiante de la vitalité du protestantisme, bien « qu’on ait
eu à lutter, dit un ministre, contre la froideur ou l’hostilité du méthodisme, contre
les violences du clergé catholique ».
Les catholiques, eux, se plaignirent du caractère agressif
de cette exaltation sectaire de la religion réformée. Aussi furent-ils
enchantés de répandre que l’abbé Vuarin, leur irascible curé, dont les mères
huguenotes menaçaient les enfants turbulents, comme s’il se fût agi d’un père
fouettard, préparait aux protestants la riposte la plus mordicante qui se pût
imaginer : l’achat, avec l’argent de Rome, au numéro 11 de la rue des
Chanoines, de la maison dite de Calvin [73] !
Charlotte de Fontsalte, bien que Vaudoise, sentit la
nécessité de soutenir les réclamations du clergé de Genève encouragé à la
réplique par l’abbé Vuarin. Tous les curés, sauf celui de Veyrier, adressèrent
à leur évêque, M gr Yenni, un mémoire de protestation sur « les
pièges tendus par l’hérésie à la foi de la population catholique ». Ce
texte faisait également état de l’intention supposée des autorités protestantes
d’introduire le culte réformé dans les communes savoyardes réunies à Genève par
le traité de 1815. L’évêque transmit aussitôt le mémoire au Conseil d’État
genevois, ce qui provoqua un raidissement du gouvernement envers les catholiques,
accusés à leur tour de susciter la haine et l’intolérance. M gr Yenni
ayant refusé de désavouer son clergé, le Conseil d’État, par manière de rétorsion,
refusa de ratifier les nominations, aux nouveaux postes, des prêtres dont la signature
figurait sur le manifeste.
Ce n’est qu’en octobre, au jour du ressat des vendanges, qu’Alexandra
revit Rive-Reine, qu’elle avait quittée au mois de mai. Elle retrouva avec
force démonstrations de joie son amie Alice Chavan, qui lui posa toutes sortes
de questions sur sa vie à Genève, sur les cours de l’École supérieure de jeunes
filles, dont on connaissait la réputation dans toute la Suisse romande. Plusieurs
personnes furent, comme Élise, de l’avis que l’orpheline avait changé de
comportement. Moins primesautière, plus attentive à son maintien, moins bavarde,
plus sobre dans sa tenue : on ne pouvait plus la classer parmi les
fillettes qui n’ont fait que grandir trop vite. C’était une vraie jeune fille
qui à treize ans en paraissait quinze et semblait avoir conscience de sa maturité.
— Elle a vite pris les manières de la rue des Granges,
dit Vuippens, qui n’aimait guère le conformisme des Genevois de la ville haute.
— On ne peut le regretter, Louis. La discipline imposée
à l’École supérieure et la fréquentation d’élèves étrangères a déjà poli notre
sauvageonne. Et les Laviron sont à la fois tendres et stricts. C’est exactement
l’éducation qui lui convient, répliqua Élise, un peu acide.
La transformation de Zélia était encore plus spectaculaire, et
seul Axel, qui connaissait de longue date la faculté d’adaptation de la Tsigane,
alliée à un vrai talent de comédienne, n’en fut pas étonné. Finis la lourde
coiffure en avalanche, les jupes virevoltantes, les seins libres dans le
décolleté, les breloques et les bracelets à sequins. Zélia présentait
maintenant le type parfait de la gouvernante à la mode helvétique. Les cheveux
rassemblés en un chignon qui, étant donné le volume de sa crinière, ne pouvait
être qu’opulent, les ongles courts, l’œil net de fard, un nuage de poudre de
riz, une robe bleu marine fermée ras du cou et aux poignets par un col et des
manchettes de fine toile blanche amidonnée, bas gris et chaussures plates, l’ancienne
suivante d’Adriana paraissait à l’aise dans cette tenue, comme si elle eût toujours
été gouvernante d’une fille de la bonne société genevoise. Elle poussait même
le scrupule à ne porter, en sautoir, que le seul bijou autorisé par sa
condition, une montre suspendue à une chaîne d’or, cadeau de M. Laviron au
jour de son arrivée.
Cette tenue sévère ne dissimulait ni la finesse de la taille,
ni l’élégance naturelle du geste et, même si Zélia s’appliquait à contenir un
roulis des hanches qui lui était naturel, elle irradiait encore la séduction
animale des gitanes de haute race. De cela, elle restait consciente et Axel
savait qu’elle en userait à l’occasion.
— Alors, ma belle, je ne reconnais pas la
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