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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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les intempéries inattendues d’un mois d’août que
tous eussent voulu beau. Les Genevois se répandaient dans les rues, sur les
places et les promenades. On entendait les salves tirées par les miliciens
campés dans la plaine de Plan-les-Ouates. Les détonations effrayaient mouettes
et pigeons. Les claires ombrelles des élégantes, ouvertes entre deux ondées, refermaient
leur corolle tandis que s’épanouissaient à nouveau les parapluies noirs des
pasteurs.
    La fête du tricentenaire de la Réformation, qui se voulait à
la fois grave et joyeuse, édifiante et sereine et, vis-à-vis des catholiques, ostentatoire
et dogmatique, semblait, en plein été, ne pas recueillir l’approbation céleste.
Dieu voulait-il, au sens propre du terme, doucher l’orgueil protestant ? On
voyait déjà les sourires insolents des papistes qui, le 15 août, avaient
célébré la fête de la Vierge Marie sous un ciel radieux. Quand, à sept heures
du matin, celui que Chantenoz nommait prince des galaxies changea enfin d’humeur
et rendit le soleil un moment confisqué, les Genevois retrouvèrent la paix.
    —  Post tenebra lux, lança, soulagée, M me  Laviron,
à qui il arrivait parfois d’avoir de l’à-propos !
    — Le Seigneur, enfin, nous accorde le beau temps après
deux jours de disgrâce, compléta M. Laviron, qui trouva plus sage, étant
donné les encombrements de la circulation, qu’on se rendît à pied au temple Saint-Pierre.
    Axel et Chantenoz n’y virent pas d’inconvénient mais Anaïs,
Élise et Aricie qui, toutes trois, étrennaient de fines chaussures neuves, ne parurent
pas enthousiastes.
    La foule emplissait les temples pour rendre grâce à Dieu des
bienfaits de la Réformation. Il y eut, dans toutes les églises, une avalanche
de discours, prononcés par des orateurs conscients que ce dimanche pouvait être
un jour de gloire, car les fidèles compareraient plus souvent leur éloquence et
la vigueur de leurs propos anti-papistes qu’ils ne méditeraient les sages
sentences longuement affinées. Certains prédicateurs qui, souvent, n’en
croyaient pas un mot, prêchèrent la tolérance dans l’esprit évangélique, c’est-à-dire
amour du prochain, même non réformé. D’autres, au contraire, plus combatifs ou
plus sectaires, s’en prirent ouvertement au catholicisme envahissant. Couplets
outrageants, parodie du cérémonial romain, caricatures de prêtres, insultes, parfois
menaces aux catholiques qui refusaient d’illuminer leurs fenêtres, marquèrent, pendant
ces journées, un renouveau de la volonté de domination religieuse des
protestants.
    — Ma parole, s’exclama Chantenoz, scandalisé, la
Compagnie des pasteurs veut-elle une Saint-Barthélemy huguenote ? Va-t-on
pendre les catholiques aux lanternes ou les précipiter dans le Rhône une pierre
au cou ?
    Les pasteurs les plus sages se contentèrent de développer longuement,
devant les fidèles béats, quelquefois somnolents, les bienfaits de l’Éternel, la
prépotence évangélique de la Réforme, la congruité suffisante des Écritures, avant
de stigmatiser, en théologiens avertis, la vanité des pratiques papistes et de
plaindre les brebis égarées.
    On constata que les corps constitués de l’État se retinrent
de participer, en tant que tels, à une commémoration parfois entachée par des
intolérances d’un autre âge. Les autorités tenaient à attester que la mixité
religieuse de la République était reconnue et respectée. Il entrait dans cette
attitude une bonne part d’hypocrisie, car le gouvernement du Premier syndic Rigaud
assumait sa part de sectarisme politique et administratif. Même si les
catholiques, au nombre de dix-huit mille, représentaient maintenant, face à
vingt-cinq mille protestants, près des deux cinquièmes de la population de la
République, on ne comptait, sur plus de mille fonctionnaires de l’État, que
cinquante-neuf catholiques, lesquels n’avaient que deux représentants dans un
Conseil d’État composé de vingt-huit citoyens ! Quant aux députés envoyés
par Genève à la Diète fédérale, tous étaient protestants.
    M. James Fazy s’appliquait, en cette année jubilaire, à
ménager les catholiques dont on devinait qu’ils seraient le fond de l’électorat
radical aux prochaines élections. Il se distinguait adroitement des calvinistes
sectaires et des paroissiens catholiques du curé Vuarin, dont M. de La
Mennais venait d’écrire qu’il était « un

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