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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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scandaleux et spectaculaire.
    — Surtout ne faites pas un mouvement, dit la Tsigane, dont
la soudaine pâleur et le regard noir d’une intensité tragique impressionnèrent
Louis.
    Il la vit se concentrer, les yeux clos, puis balancer le
bras. La lame fit dans l’air un bruit de soie déchirée et un choc sourd, au-dessus
de sa tête, indiqua au médecin que l’artiste avait réussi son numéro.
    Le même soir, après le banquet, Axel Métaz présenta à ses
invités, ainsi qu’aux vendangeurs et vendangeuses, rassemblés par la tradition,
Vincent, son fils au regard vairon. À dix mois, le bébé savait dire papa, maman,
Fafa, diminutif de Françoise, sa nurse, et demander à boire. On observa qu’il
battait des mains et riait chaque fois qu’il entendait sauter un bouchon. Charlotte,
malgré le regard désapprobateur d’Élise, tint à mouiller les lèvres de l’enfant
d’une goutte de vin blanc.
    — Si le jurançon fut bon pour Henri IV, le dézaley
est encore meilleur pour un Veveysan. Non plus que le fils de Jeanne d’Albret, ce
Vincent ne sera « pleureur ni rechigné », dit Chantenoz en portant le
premier toast au nouveau vigneron.
    — En tout cas il connaîtra moins de difficultés avec
les protestants que le bon roi Henri… Il est l’un d’eux, petit-fils de pasteur,
et bénéficie d’une grand-mère catholique, observa Flora, malicieuse, avec un clin
d’œil à Charlotte.
    — À moins qu’il n’ait affaire à des papistes de plus en
plus nombreux et arrogants, dit sèchement Élise, qui avait refusé d’inviter au
ressat le curé François Sublet, desservant de la toute nouvelle chapelle
catholique de Vevey, construite rue d’Italie.
    Le pasteur Albert Duloy condamnait tous les sectarismes. Il
jeta à M me  Métaz un regard de biais et, suave comme il savait l’être,
confia à ses voisins de table, en haussant le ton, qu’il avait l’intention de
convier le curé Sublet à dîner, un prochain jour, « pour faire la connaissance
de cet homme dont on dit grand bien », conclut-il avec un large sourire à Élise.
    Quand vint l’heure du picoulet, ronde joyeuse et populaire
de la fin des vendanges, Axel tendit une main à Élise, l’autre à Alexandra, et
entraîna la farandole. Les danseurs franchirent au galop les grilles de
Rive-Reine pour se joindre, place du Marché, aux farandoles venues d’autres
caveaux. Quand des dames, essoufflées, rompirent le picoulet, près de la
Grenette, où se tenait l’orchestre du bal, Axel observa, heureux et perplexe, que
Zélia, dont le chignon croulait, ne lâchait pas la main de Louis Vuippens !

7
    — C’est scandaleux ! fulmina M me  Métaz
de Fontsalte en apprenant de la bouche d’Aricie Chantenoz que M me  d’Agoult,
la maîtresse de Franz Liszt, venait de mettre au monde, le 18 décembre
1835, à Genève, un enfant adultérin.
    C’est au cours de la réception qui rassemblait, comme chaque
fin d’année à Beauregard, le cercle Fontsalte, que l’événement venait d’être
évoqué. Les précisions que donna, avec une certaine malice, Martin Chantenoz, ne
furent pas de nature à rendre Élise plus indulgente.
    — D’éminents protestants genevois sont apparemment
moins sévères et plus accommodants que vous. Savez-vous que l’enfant de M me  Marie-Sophie
d’Agoult – une fille nommée Blandine-Rachel – a été déclarée née de M. Franz
Liszt, professeur de musique hongrois, âgé de vingt-quatre ans, qui a spontanément
reconnu en être le père, et d’une certaine demoiselle Catherine-Adélaïde Méran,
rentière, âgée de vingt-quatre ans elle aussi, née à Paris. Les témoins qui ont
accompagné Liszt à l’État civil et signé l’acte officiel sont, tenez-vous bien,
M. Pierre-Etienne Wolff, professeur au conservatoire, et M. James
Fazy, le chef de file des radicaux genevois ! Autrement dit, ces citoyens
honorables et parfaitement au courant de la véritable identité de la mère, qu’ils
fréquentent depuis des mois, ont sciemment commis un faux témoignage pour
cautionner un acte d’état civil falsifié. À Genève, l’affaire fait le tour des
salons [74] .
    — Beau monde que tous ces gens ! Je ne comprends
pas qu’Axel accepte encore que M. Liszt donne des cours de piano à
Alexandra. Non vraiment, je trouve que c’est aussi une certaine façon de cautionner
l’adultère, lança M me  Métaz, fort irritée.
    Plusieurs des invités sourirent, certains rirent

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