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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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réunissaient les
pasteurs, les citadins étaient invités à visiter, à la Bibliothèque publique, une
exposition rassemblant des souvenirs relatifs à la Réformation mais aussi « des
objets du culte catholique aboli en 1535 ». Une bible latine, dite de
saint Pierre, des missels papistes d’avant la Réforme, des manuscrits de Bonivard,
des autographes de Calvin, avaient été extraits des tiroirs, et M lle  Henriette
Rath exposait une collection de portraits des réformateurs, peints par
elle-même. Mais le clou de l’exposition fut certainement la présentation aux
visiteurs, pour la première fois depuis longtemps, des deux panneaux de retable
peints par Konrad Witz pour la cathédrale de Genève en 1444, dont un volet, la
Pêche miraculeuse, était annoncé comme la première représentation picturale
de la rade de Genève dominée par le mont Blanc. En transposant sur le Léman une
scène censée s’être déroulée en présence de Jésus sur le lac de Tibériade, le
peintre suisse avait, un siècle avant la Réforme, offert une victime de choix
aux futurs iconoclastes qui saccagèrent Saint-Pierre le 9 août 1535.
« Rescapés non sans dommages du furieux enthousiasme protestant [71]  », les
panneaux avaient été entreposés à l’Arsenal. Restaurés, après trois siècles de
séquestration culturelle, ils ne pouvaient qu’inspirer respect et admiration [72] .
    Pour se remettre de leurs austères travaux théologiques, les
délégués étrangers et suisses furent, au soir du dimanche 23 août, conviés
à un grand banquet à l’hôtel d’Angleterre, à Sécheron.
    Martin Chantenoz fit observer que les gens d’Église
risquaient, sous les lambris des Dejean, d’être suffoqués par les relents
sulfureux des amours adultérines. Depuis près d’un siècle, des princes comme
Henri de Prusse, Ferdinand de Habsbourg, Eugène de Beauharnais, le duc de
Chartres, ou des poètes et des gens de lettres comme Byron, Shelley, Chateaubriand,
avaient été, avec leur maîtresse, les hôtes de l’établissement où fut consommée,
en 1809, au cours d’une scène scurrile, opposant M me  de Staël
à Charlotte de Hardenberg, la rupture entre la dame de Coppet et son amant, Benjamin
Constant.
    Les organisateurs avaient prévu de faire conduire, du
Grand-Quai, à Sécheron, les deux cent cinquante convives à bord du Winkelried, mais une pluie violente les obligea à emprunter la voie de terre pour aller
banqueter, à six heures de l’après-midi, après avoir entendu de nombreux toasts,
tous plus laudatifs les uns que les autres. La pluie cessa au dessert.
    Le mardi 25 août, une seconde conférence ecclésiastique
et une réunion des catéchumènes clôturèrent formellement le jubilé.
    Le lendemain, Élise fit avec émotion ses adieux à son père.
M. Henri Delariaz, comblé de cadeaux et d’honneurs par la vénérable
Compagnie des pasteurs, partait pour Londres avec son attrayante épouse. John
Keble, inspirateur du Mouvement d’Oxford, dont l’objectif était la rénovation
de l’Église anglicane face aux menaces du libéralisme et à l’emprise
grandissante du Parlement, avait invité le pasteur suisse à prononcer des conférences.
Le couple embarqué dans la diligence de Paris, M me  Métaz ne
cacha pas à son mari combien elle avait trouvé déplaisants le maintien et la
conduite de la femme de son père pendant la célébration du jubilé. La Bernoise
s’était en effet dispensée d’assister à la plupart des offices et cérémonies. Elle
avait visité les musées plus que les temples et dévalisé les belles boutiques
de la rue de la Corraterie.
    — C’est une femme égoïste et futile ! Comment mon
père, qui est tout esprit, peut-il la supporter !
    — Il a l’air très heureux, et au mieux de sa forme, ma
chère. Il semble qu’elle l’entretient somptueusement, lui épargne tout souci
matériel et domestique, lui permet ainsi de se consacrer à ses recherches, à
son œuvre et à son ministère. Je crois que cette dame, un peu excentrique, j’en
conviens, a pour votre père non seulement de l’amour mais une sorte de vénération.
Alors, de tout cela vous devez, nous devons lui être reconnaissants, dit Axel
avec quelque malice.
     
    Quand, le dimanche 30 août, les pasteurs firent, devant
les fidèles, le bilan de ces journées mémorables, tous se réjouirent. La
célébration du tricentenaire de la Réforme avait été un succès, une
démonstration

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