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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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l’incapacité de goûter
le plaisir légitime de l’étreinte. L’acte d’amour deviendrait, pour tous deux, incomplet,
humiliant.
    Aussi, quand ils rentrèrent à Rive-Reine, et sans qu’ils
évoquent à nouveau la situation, Axel et Élise décidèrent-ils de faire, désormais,
chambre à part.
    Axel aimait assez sa femme pour lui sacrifier un plaisir qu’Élise
avait toujours goûté comme expression charnelle de l’amour que lui portait son
mari. L’existence de l’épouse étant à ce prix, l’époux devait se résoudre à l’absolue
continence. Il s’efforcerait, pensa-t-il tout de suite, de trouver dans le
travail l’oubli d’une telle frustration et, dans la qualité rare d’un renoncement
accepté, une nouvelle et tendre complicité avec celle qui partageait sa vie.
    D’ailleurs, les travaux de la vigne occupaient de plus en
plus Axel Métaz, car Samuel Fornaz se montrait de moins en moins assidu à la
tâche. Depuis le mariage de Marthe Jaquier avec le notaire fribourgeois Pierre
Andret, l’ancien ouvrier de Simon Blanchod – à qui Axel avait confié, à la
mort de son parrain, l’intendance du vignoble – fréquentait plus souvent
la taverne que le temple Saint-Martin. De paisible et courtois il était devenu
susceptible et vindicatif. Au cours des trois jours de tir, exercice
obligatoire pendant la durée du service en élite [86] des carabiniers
de la milice, il avait insulté un sous-commis instructeur et le commandant d’arrondissement
venait de lui adresser un blâme, en même temps qu’il prévenait Axel Métaz, officier
dans la même unité.
    — C’est un fin tireur, votre Samuel, mais quel criseux [87] et toujours au guillon [88] ,
à tirer le verre ! avait dit l’officier.
    Axel avait sermonné Fornaz qui avait promis de se mieux
comporter lors du prochain exercice.
    Depuis qu’il avait été promu lieutenant, avancement accepté
par civisme plus que par goût du galon, Axel Métaz devait, en attendant de
passer dans la première réserve, consacrer, huit fois par an, une journée aux
exercices, plusieurs matinées aux avant-revues, trois jours pleins au tir et, une
année sur deux, quatre jours aux manœuvres dans les camps fédéraux, qui
mobilisaient pendant une semaine, en des lieux inattendus du territoire suisse,
deux ou trois mille miliciens venus de différents cantons. Ces obligations
militaires, plus ou moins bien acceptées, constituaient, certes, une contrainte,
mais Axel estimait que chaque confédéré devait être prêt à combattre pour faire
respecter la neutralité helvétique dans le cas où celle-ci serait menacée.
    L’article premier de la loi du 6 juin 1828, décrétant l’organisation
militaire, affirmait sobrement : « Tout Suisse habitant le canton de
Vaud est soldat. » En conséquence, tout citoyen vaudois et tout Suisse
habitant le canton de Vaud se trouvait « soumis à l’obligation de servir
dans les milices, de seize à cinquante ans ». Chaque citoyen-soldat payait
son uniforme et son équipement, entretenait son arme, tenait sa poudre et ses
balles au sec, afin d’être prêt à répondre, sur l’heure, à toute réquisition. Au
pays de Vaud, la loi était strictement appliquée, car Charles-Jules Guiguer de
Prangins, colonel fédéral, inspecteur général des milices vaudoises, tenait « à
forger un outil à la hauteur des circonstances toujours changeantes et capable
de s’y adapter le mieux possible ».
    Officier de l’élite, première classe appelée en cas de
conflit, Axel Métaz donnait l’exemple d’un patriotisme intransigeant, approuvé
et soutenu par le général, son père, que les autorités vaudoises eussent
volontiers recruté s’il avait demandé et obtenu la nationalité suisse à
laquelle il pouvait prétendre.
     
    Nombreux étaient les Veveysans qui enviaient le sort d’Axel
Métaz. Plusieurs fois récompensé par la Confrérie des vignerons avant d’être
lui-même nommé expert visiteur des vignes et d’accorder des primes aux
meilleurs, entrepreneur prospère, mari d’une belle femme pieuse et charitable, père
de deux garçons, que lui restait-il à désirer de plus sur cette terre ? pensaient
les honnêtes gens. De surcroît Rive-Reine, dont les grilles lancéolées venaient
d’être passées au noir et leurs pointes redorées, était connue, entre sa cour
pavée et sa terrasse-jardin donnant sur le lac, comme une des plus belles demeures
de la ville. La mère Chatard racontait

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