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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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ce choix, vint donner l’accolade à son
fils.
    Fin décembre, la neige recouvrit le vignoble et, bien que la
vie eût repris son cours normal, il fut décidé, à cause de la convalescence
prolongée d’Élise, que la réunion de fin d’année du cercle Fontsalte se
tiendrait à Rive-Reine et non à Beauregard comme d’habitude. M me  Métaz
mit un point d’honneur à créer un décor raffiné pour accueillir parents, alliés
et amis. Pernette, aidée par Marie-Blanche, la nourrice de Bertrand, par Lazlo
et par Zélia, arrivée de Genève avec Alexandra et les Laviron, exécuta les
menus composés par la maîtresse de maison.
    On servit, au fil des repas, des chapons au riz, du porcelet
en ragoût, des dindonneaux accompagnés de saucisses, des perches et féras du
lac, des pommes de terre au lait, écrasées dans un mortier et cuites à l’huile
de colza, des galettes de pommes de terre fricassées, que les Alémaniques
nommaient rösti, du papet vaudois, mélange, cuit avec du lard, de poireaux
blanchis et de pommes de terre, des beignets au fromage fondu, des châtaignes
nappées de crème fouettée, des bricelets, des merveilles, du gâteau au raisiné
et de la cougnarde, desserts qui valurent à Pernette des éloges sans fin. On
but beaucoup, du blanc de Belle-Ombre, de Saint-Saphorin, de Faverges ; du
rouge d’Yvorne, du pinot noir du Valais mais, aussi, de la dôle du Mandement, offerte
par les Laviron, et du meursault, apporté de ses vignes familiales de Bourgogne
par l’adjudant Trévotte, qui ne faisait pas grand cas des vins vaudois, habitué
qu’il était à des crus plus capiteux.
    Ayant apprécié les attentions, le dévouement, le sang-froid
et l’efficacité de sa belle-mère pendant sa maladie, M me  Métaz
avait fait dresser un sapin de Noël dans l’entrée de la maison, sacrifiant
ainsi à une coutume importée par les catholiques mais encore peu prisée des
protestants [85] .
    Ces jours de fête furent marqués par les premiers pas de
Vincent, dont l’assurance, la témérité et le babil incompréhensible, gai et sonore,
firent dire à Blaise qu’il voyait en ce petit-fils au regard vairon un vrai
Fontsalte.
    Comme Élise estimait que Bertrand, maintenant âgé de deux
mois, serait sans doute beaucoup plus paisible que son frère aîné, Flora la
félicita pour avoir donné à Axel un deuxième garçon alors que – ce n’était
un secret pour personne – elle eût préféré une fille.
    — Ce sera pour la prochaine fois, dit Aricie qui avait
souffert, comme Flora, de n’avoir pas été mère.
    Élise ne releva pas l’invite et Axel demeura silencieux. Quelques
jours plus tôt, Louis Vuippens, parlant aux époux sans témoins, leur avait dit
avec gravité qu’une nouvelle grossesse pourrait être fatale à Élise. Les
désordres organiques causés par la venue au monde de Bertrand interdisaient
formellement à la jeune mère, bien qu’âgée seulement de vingt-six ans, de procréer
de nouveau.
    — Mon devoir de médecin et d’ami est de vous mettre en
garde. C’est un risque que vous ne devez pas courir, avait-il ajouté, surtout à
l’intention d’Axel.
    Élise, rendue encore plus émotive par l’épreuve quelle
venait de subir, n’avait pu retenir ses larmes avant d’émettre la prétention, bien
qu’elle eût grande confiance en Louis, de prendre l’avis d’un autre accoucheur.
    Dès qu’elle put se rendre à Genève, au printemps 1837, elle
alla consulter, accompagnée de M me  Laviron, le docteur François
Mayor qui, le premier, avait pratiqué une césarienne en Suisse, puis, le
lendemain, Adolphe Butini, un clinicien de renommée internationale qui venait
de fonder une infirmerie modèle à Plainpalais. Le verdict de Vuippens ayant été
deux fois confirmé, Élise, consternée, rejoignit Axel, et c’est en pleurant qu’elle
lui rapporta les propos et les craintes circonstanciées des praticiens genevois.
Ils avaient été formels. Aucun médecin ne pourrait répondre de sa vie si elle
tentait de mettre un autre enfant au monde. Une telle menace sous-entendait
pour les époux ce que les femmes qui ne voulaient pas d’enfant appelaient
pudiquement « prendre des précautions ». Mais Élise, qui avait osé s’en
entretenir avec les médecins, ne cacha pas que, même infime, le risque subsisterait
et qu’imaginant sa vie en jeu chaque fois qu’elle se donnerait à son mari, elle
ne pourrait se défendre d’y penser et se trouverait dans

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