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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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parfois un cri.
    Le fait qu’elle fût maintenant privée d’un rapprochement qu’elle
n’eût pas, autrefois, recherché, la troublait moins que la frustration que son
nouvel état imposait à son mari.
    — Ma petite, les hommes ont besoin de ça ! Mais n’oublie
pas, je t’en supplie, ce qu’ont dit les docteurs, répétait Françoise, péremptoire.
    C’était manière de laisser entendre qu’Axel faillirait un
jour ou l’autre, convaincrait sa femme de se soumettre à son désir, ce qui
mettrait la vie de celle-ci en danger.
    Élise, usant de circonlocutions pudiques, finit, en se
faisant violence, par s’ouvrir de cette situation à Marthe Chavan, devenue son
amie la plus proche. Pieuse protestante, instruite, mère de famille, la femme
du notaire se montrait, dans la vie courante et les rapports humains, plus
délurée, plus tolérante, « plus moderne », comme disait Françoise
avec un rien de méfiance, que sa voisine de Rive-Reine. Franche, directe et
précise, Marthe expliqua sans gêne ni réticence qu’il existait bien d’autres manières,
que celle très élémentaire conduisant à la procréation, de donner du plaisir à
un homme, fût-il un mari.
    Élise sortit horrifiée de cet entretien et convaincue que
Marthe Chavan s’adonnait à la luxure sous couvert du devoir conjugal. Peut-être,
même, avait-elle « fait la vie », comme le disait la mère Chatard de
toutes les femmes qui se mariaient « sur le tard », après avoir, sans
doute, connu plusieurs galants.
    Cette leçon d’érotisme théorique n’eut aucune influence sur
le comportement d’Élise, sinon qu’elle lui fit craindre, quand Axel, au moment
du baiser du soir, se montrait plus tendre qu’à l’accoutumée, qu’il en vînt à
solliciter ces caresses et postures, diableries inconvenantes, définies par M me  Chavan.
    Axel, autrefois initié par des femmes expertes aux
raffinements de l’amour, n’ignorait rien des exutoires des amants craintifs
mais il n’oserait jamais, connaissant la pudibonderie d’Élise, l’inviter à ces
jeux-là. Aussi acceptait-il la chasteté imposée, espérant y puiser une sérénité
particulière, une sorte de force spirituelle, car il n’envisageait pas d’aller
chercher ailleurs ce que ne pouvait plus lui offrir Élise.
    De cela, il s’était entretenu avec Vuippens, longuement. Le
médecin, qui souvent avait répété au cours de leur jeunesse, « pour se
bien porter, un homme doit, de temps à autre, contenter la bête », s’était
montré attentif avant de déclarer avec un sourire :
    — On en reparlera dans six mois, mon bon.
    La lettre mensuelle qu’Alexandra adressait à son parrain
contenait, en mai, la composition française qui, à l’École supérieure de jeunes
filles, avait valu à l’adolescente le premier prix de narration. L’élève
reconnaissait avoir été servie par le sujet et les circonstances. « Racontez
l’événement qui vous a le plus impressionnée cette année » : tel
était le thème à traiter. Or, l’événement était exceptionnel : l’abattage
d’un éléphant vindicatif mis en vente par son propriétaire et qui n’avait pas
trouvé preneur.
    « Il était une fois une demoiselle éléphante nommée miss Djeck.
Elle était arrivée à Genève au printemps de cette année pour être montrée à la
population, qui a toujours besoin de s’instruire. Miss Djeck avait déjà
visité l’Amérique et l’Angleterre. Comme beaucoup de mes compagnes, je suis
allée la voir, dans son enclos des fossés de Rive, le vendredi 14 avril.
    » Cette énorme bête grise avait l’air gentille. Elle
ramassait, avec sa trompe longue et souple comme un gros tuyau, les caramels
que lui présentaient, sur la paume de la main, des petites filles et des petits
garçons. Ma gouvernante, qui a déjà vu des éléphants, me défendit d’en rien
faire. Elle avait lu dans le journal que miss Djeck se mettait parfois en
colère et qu’elle avait, au cours de ses voyages, tué trois gardiens et blessé
plusieurs curieux, qui s’étaient trop approchés d’elle ou lui avaient donné à
manger des choses qui ne se mangent pas. Mais, à Genève, elle paraissait bien
sage et, d’ailleurs, tout le monde applaudissait quand elle prenait de l’eau
dans sa trompe pour nous asperger. Et puis, tandis que nous la regardions faire,
elle a été prise d’une vraie crise de folie qui nous a fait grand peur à tous.
    » Tout à coup, miss Djeck

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