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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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qu’après la maladie qui avait failli
emporter M me  Métaz, toutes les pièces avaient été rénovées, les
boiseries passées au vernis et qu’on marchait, partout, sur des tapis venus d’Orient.
Elle avait même vu, dans la cuisine de Pernette, un nouveau fourneau-bouilleur,
pourvu d’un réservoir de cuivre. Il suffisait de tourner un robinet pour avoir
de l’eau chaude à profusion !
    « Ah ! ils ont tout, mais tout, pour être heureux,
les Métaz ! On a beau dire que l’argent fait pas le bonheur, hein, c’est
mieux avec ! » disait-elle, l’air entendu. Elle eût bien apporté
quelques correctifs fielleux à l’opinion générale, par exemple en faisant
remarquer à voix basse que M me  Métaz de Fontsalte – elle
appuyait sur la particule – avait son jour de thé, comme une duchesse, qu’elle
chantait mieux qu’elle ne brodait, qu’elle avait éloigné la filleule de son
mari, qu’elle n’aimait pas sa belle-mère catholique, qu’elle jouait, pour se
faire dorloter, d’une faiblesse consécutive à ses couches difficiles. Mais en
parlant ainsi, Félicie Chatard eût couru le risque de se faire traiter de
barjaque. Les Veveysans, vrais Vaudois sachant jauger, sans se prononcer, le
travail et les manières du prochain, peu enclins à prendre comme argent
comptant les points de vue des uns sur les autres, prudents dans leurs propos
comme dans leurs opinions et leurs dépenses, affichaient une grande estime pour
les bourgeois de Rive-Reine. Le pasteur Albert Duloy, arbitre reconnu des
moralités et des mœurs locales, ne qualifiait-il pas les époux Métaz de ménage
chrétien exemplaire depuis qu’Élise avait procréé au péril de sa vie ?
    Et puis M. Axel, comme l’appelaient encore les anciens,
saluait, du même geste courtois, le syndic, le maréchal-ferrant ou le commis de
la poste aux lettres. Il demandait, sans s’attarder ni mots inutiles, des
nouvelles de la goutte de l’ébéniste, de l’asthme de la repasseuse, de la
fluxion dentaire de l’épicière. Il s’enquérait de la date d’un mariage ou d’un
baptême dans des familles de connaissance, pour envoyer fleurs ou cadeaux. Il
suivait les enterrements des plus modestes, s’il avait été en relation avec le
défunt ou avec l’un de ses proches. Il décourageait de poursuivre celui qui
gémissait sur son sort ou celle qui critiquait la conduite d’une voisine d’un :
« Si tous les malheurs du monde étaient là, mon ami ! » ou « Chacun
voit midi à son clocher, ma bonne dame », en s’esquivant avec un sourire.
    Plusieurs membres éminents du Conseil communal, les uns
conservateurs, d’autres libéraux, certains radicaux, l’avaient sollicité, séparément,
pour qu’il se présentât aux élections. Comme tous ignoraient les opinions de M. Métaz,
chacun escomptait que la présence de ce citoyen, aisé et instruit, renforcerait
son parti ! Axel avait, très poliment, décliné une offre aussi flatteuse, arguant
que la commune était fort bien gérée par les gens en place et qu’il eût été
outrecuidant de prétendre faire mieux. Un seul des élus recruteurs, son voisin,
le notaire Chavan, successeur de Charles Ruty, avait relevé l’ironie du propos.
En revanche, Élise, ambitieuse et douée d’un sens social développé, eût aimé
que son mari, dont elle admirait l’intelligence et louait la probité, fit une
carrière politique « dans l’intérêt de nos concitoyens », disait-elle.
Axel lui avait répondu qu’il ne se mêlerait jamais aux joutes politiciennes
mais se réservait le droit, reconnu par les Constitutions cantonale et fédérale,
de faire, en cas de nécessité civique, connaître ses sentiments et, même, de
passer à l’action, le jour où sa conscience l’y inviterait expressément.
    À trente-six ans, le fils de Charlotte et de Blaise de
Fontsalte estimait avoir fait le tour des passions, des ambitions et des rêves
de l’homme. Il ne lui restait qu’à tenir le rôle que la Providence lui avait attribué :
vigneron, entrepreneur, père de famille, jusqu’au moment où Vincent, son fils
au regard vairon, et Bertrand, pour l’heure petit animal gazouilleur gorgé de
lait, prendraient la suite des affaires qu’il leur léguerait. Encore une bonne
vingtaine d’années, cloisonnées par le retour inexorable des saisons qui
rythmaient les travaux de la vigne, se disait-il, si Dieu le veut, à mener
cette vie désormais sans éclats, vouée aux besognes

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