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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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a enroulé sa trompe
autour de la taille de son gardien, qui était près d’elle, dans l’enclos. Elle
l’a serré jusqu’à l’étouffer, avant de le jeter, comme un ballot, contre le
talus. On a bien cru qu’il était déjà mort, quand des gens l’ont ramassé pour
le porter chez lui. On sait maintenant qu’il a failli mourir mais il se guérit
doucement. Octave Bourrit est son nom. On a raconté, depuis, que le
propriétaire de l’éléphant, fatigué par tous les ennuis que lui cause dans
chaque pays miss Djeck, voulait la vendre. L’autre soir, pendant qu’on la
conduisait à son nouvel enclos, entre la Tranchée et la porte de Ville, miss Djeck
s’est échappée et des gens l’ont vue courir sur le quai et dans la rue du Rhône.
Des gendarmes ont réussi à la rattraper, et son propriétaire lui a donné des
remèdes pour la calmer. Alors, miss Djeck a consenti à se laisser conduire
à sa nouvelle prison.
    » Mais, comme au bout d’une semaine aucune personne n’est
venue pour l’acheter et qu’elle coûte à nourrir, à soigner et à garder, plus de
trois mille francs de Suisse par an, le syndic a décidé qu’il fallait lui ôter
la vie, car elle devenait de plus en plus méchante. On a fait venir les deux
meilleurs tireurs de la milice mais les balles de fusil ont rebondi sur la tête
de la pauvre miss Djeck, qui a la peau plissée mais très épaisse. Alors, comme
on avait déjà fait dans le temps pour tuer un autre éléphant furieux, on a
appelé les artilleurs et miss Djeck a reçu, dans l’oreille, un boulet qui
l’a tuée net. Elle n’a pas eu le temps de souffrir, dit-on, mais c’est tout de
même une triste affaire qu’on aille chercher des éléphants dans leur pays d’Afrique,
où ils sont libres, heureux et sans gardiens ni visiteurs, pour les tuer, chez
nous, à coups de canon, après qu’on leur a donné des caramels !
    » Dimanche, à Saint-Gervais, Monsieur le Pasteur, qui
connaissait la fin de la malheureuse miss Djeck, a dit qu’il faut
respecter les animaux, qu’ils sont aussi des créatures de Dieu et qu’on doit
les laisser vivre là où Il les a mis. Miss Djeck est une sorte de martyre
que je n’oublierai pas. Ceux qui pensent comme Monsieur le Pasteur, comme moi
et plusieurs de mes compagnes, devraient demander au Conseil d’État qu’on fasse,
à Genève, une loi pour empêcher qu’on tue les éléphants qu’on invite [89] . »
    Ce récit fit sourire Axel et lui rappela qu’en mai 1820 il
avait assisté, à Genève, au bastion de Hollande, à l’exécution d’un autre éléphant
coléreux [90] .
Il se souvint aussi du pachyderme abattu à Venise, en 1819, par le capitaine
Giacomo Alboretti qui avait été son maître d’armes. « Ces grands animaux
ne sont-ils enlevés à leur terre natale que pour se voir massacrer dans des
pays qui se disent civilisés, après avoir satisfait la curiosité populaire ? »
se demanda-t-il.
    La conclusion d’Alexandra, qui semblait avoir plu à son
professeur, rendait un son pathétique. En dépit d’un style un peu simplet, elle
prouvait la sensibilité, la maturité et le bon sens d’une fille de quinze ans. Axel,
très fier, fit lire à tous les membres du cercle Fontsalte le devoir de sa
filleule. Puis il adressa à l’écolière une lettre de félicitations et lui fit
envoyer un grand coffret de chocolat Cailler, dont elle était gourmande.
    Mais une mort humaine fit bientôt oublier celle de l’éléphante.
Le 27 juin, le roi Guillaume IV d’Angleterre rendit l’âme et sa nièce,
la princesse Alexandrina Victoria, âgée seulement de dix-huit ans, fut
proclamée reine. La dernière reine régnante de Grande-Bretagne, Anne Stuart, était
morte après un règne de douze ans, en 1714.
    Charlotte manifestait, depuis toujours, pour la monarchie, régime
commun à tous les pays d’Europe sauf la Suisse, un intérêt plus mondain que
politique. Elle se fit envoyer d’Angleterre, par une amie de pension, les
journaux et revues qui consacraient de nombreuses pages à la personnalité de la
souveraine. Elle découvrit avec stupeur la petite taille de Victoria – un
mètre cinquante – et apprit, en même temps, que la reine avait une fâcheuse
tendance à l’embonpoint, qu’elle buvait de la bière et raffolait de pâtisseries.
Un chroniqueur lui voyait un buste avantageux, un autre révélait qu’elle
détestait la marche et préférait à toute autre activité physique

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