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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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ils n’en déclaraient pas moins
reconnaître avec émotion dans le profil, il est vrai assez bourbonien, de l’horloger
de Spandeau, celui du roi guillotiné.
    À Vevey, à Villeneuve et à Aigle, où M me  Naündorff
faisait des apparitions en calèche, on finit par apprendre que le prétendant n’était
qu’un entrepreneur failli, connu de la justice prussienne et fortement
soupçonné d’avoir fabriqué de la fausse monnaie. De prudents qu’ils sont
toujours, les commerçants vaudois devinrent crûment méfiants. Dénués du moindre
respect pour le sang bleu, ils refusèrent bientôt tout crédit aux amis de M. Brémond.
    Sans les interventions de Fontsalte et de Ribeyre, qui
savaient depuis longtemps à quoi s’en tenir sur les prétentions de Naündorff, faux
dauphin parmi d’autres, Flora et Charlotte se fussent précipitées au château de
Grand-Clos pour s’incliner devant le malheureux héritier des Bourbons. Rescapé
de la Révolution, n’avait-il pas été, deux fois, évincé par ses oncles Louis XVIII
et Charles X !
    La justice veveysanne mit fin aux rumeurs quand, en octobre 1837,
le gouvernement de Louis-Philippe, qui avait déjà eu à sévir contre Naündorff, demanda
au tribunal de Vevey d’entendre, sur commission rogatoire, le protecteur du
prétendant, M. Brémond. Promptes à voir partout des comploteurs, les
autorités françaises voulaient être informées. Le prétendant avait déjà quitté
la Suisse en simple voyageur, laissant femme et enfants sous le toit de
Jean-Baptiste Brémond. Ce dernier, défini par le magistrat vaudois tel « un
pieux vieillard ayant la folie des grandeurs », fut entendu sous la foi du
serment. Le châtelain tint à faire inscrire au procès-verbal une information inédite,
assurant qu’il existait, autrefois, cachée par Louis XVI aux Tuileries, dans
un endroit connu du seul M. Naündorff, une cassette de fer contenant des
papiers propres à prouver l’identité authentique et les droits de l’horloger
prussien.
    Le greffier inscrivit docilement cette déclaration et l’affaire
en resta là. On sut, plus tard, que Naündorff avait choisi de se fixer en
Hollande, ayant déjà goûté de l’Angleterre, où le gouvernement de
Louis-Philippe l’avait fait conduire manu militari, en 1836, après qu’il eut
cité à comparaître, devant le tribunal de la Seine, l’ex-roi Charles X, exilé
à Goritz, et la duchesse d’Angoulême !
    M. Brémond, que tout le monde tenait pour un brave
homme et un industriel habile, affectait encore, lors du ressat des vendanges, de
croire qu’aucune rebuffade ne découragerait le prince méconnu, sûr de son bon
droit [92] .
     
    Dès fin juillet, Martin Chantenoz avait annoncé la présence
dans le pays de Vaud de l’éminent critique français Charles-Augustin
Sainte-Beuve. L’écrivain répondait à une invitation d’un ami vaudois, Juste
Olivier, professeur d’histoire et de littérature à l’Académie. Les deux hommes
s’étaient rencontrés à Paris, en 1830. Juste Olivier, alors âgé de vingt-trois
ans, étudiait la littérature française. Il avait été séduit par les premières
manifestations audacieuses des adeptes d’une nouvelle tendance littéraire et
artistique, nommée romantisme. Sainte-Beuve, déjà très connu comme critique, s’était
fait le mentor du Vaudois, de trois ans son cadet. Ils avaient assisté, ensemble,
le 25 février 1830, à la Comédie-Française, à la bataille d ’Hernani et, depuis lors, une forte amitié les unissait.
    Rentré en Suisse, Juste Olivier avait épousé la belle
Caroline Ruchet, agréable poétesse qui l’attendait sagement. Depuis ce temps, Juste
ne pensait qu’à présenter son célèbre ami parisien à son épouse. Cette
rencontre eut lieu fin juillet et le trio passa une dizaine de jours à Aigle, dans
une maison qui appartenait à la famille de M me  Olivier. Le
Vaudois et le Parisien s’étaient beaucoup promenés dans la campagne et avaient
eu de longues et confiantes conversations.
    Chantenoz, ancien collègue d’Olivier, fut bientôt approché
par ce dernier pour soutenir un projet consistant à faire inviter Sainte-Beuve
à donner une série de cours devant les élèves de l’Académie de Lausanne. Olivier
raconta que, pendant son séjour chez lui, Sainte-Beuve s’était laissé aller à
des confidences mélancoliques. Il souhaitait s’éloigner un temps de Paris. Ses
pairs s’étaient déjà montrés sévères pour son

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