Sachso
Reviere I et II, dotées d’installations les plus modernes, comparables à celles des cliniques ou hôpitaux publics.
Le Revier I comprend les locaux de l’ambulance où sont donnés les premiers soins, deux salles d’opération aux murs couverts de faïence bleue et avec tout le matériel chirurgical indispensable, une salle de soixante lits réservés aux nouveaux opérés, un cabinet radiologique avec chambre noire, un cabinet dentaire, la pharmacie, des bains-douches, une salle de massage, des bureaux, la chambre du médecin-chef, etc.
Le Revier II répond également aux normes habituelles d’hygiène et de soins. Ses cent cinquante lits sont répartis en plusieurs salles. Cinq grandes sont réservées aux maladies internes (pleurésies, pneumonies, bronchites, affections du foie, des intestins, de l’estomac), deux petites aux maladies infectieuses (méningite, typhoïde, typhus), trois autres pour certains cas de tuberculose, les pansements, etc. Il y a une chambre pour les médecins et infirmiers et enfin un petit musée avec des flacons où sont conservés des organes.
Les visites officielles se terminent au laboratoire d’analyses médicales installé au sous-sol du Revier II, lui aussi bien équipé en matériel. Près de deux cents examens et analyses sont pratiqués chaque jour : recherche de B. K. dans les crachats, numération globulaire, formules leucocytaires, vitesses de sédimentation sanguine, examens d’urines, glycémies, etc. Les quatre microscopes sont employés en permanence.
En dotant Sachsenhausen de tels moyens, l’intention des S. S. n’est pas de soigner les détenus. Ces installations servent d’abord aux chirurgiens et aux médecins S. S. à se faire la main et à poursuivre des expérimentations : les détenus sont des cobayes qu’ils charcutent et traitent comme ils veulent. Aussi, jusqu’en 1943, la situation au Revier est-elle effroyable pour les malades qui n’ont à faire qu’au personnel médical S. S. C’est une entreprise d’extermination systématique sous les ordres du médecin-chef S. S. Ehrsam surnommé « Grausam » (le Cruel). Aucun médecin détenu n’exerce à l’époque.
Au début de 1943, une relative amélioration se fait sentir. Avec la défaite de Stalingrad, il devient évident que la « guerre-éclair » a fait long feu. Jusqu’ici, on exterminait les détenus en leur faisant accomplir n’importe quelle tâche, sans souci du rendement. Dorénavant, on rationalise le travail, pour qu’avant de mourir les concentrationnaires contribuent à l’effort de guerre. Sous les auspices du nouveau médecin-chef S. S. Baumkötter, des médecins détenus sont nommés au Revier et, dans une certaine mesure, neutralisent l’action criminelle ou l’incompétence des S. S. Dans une certaine mesure seulement, car en 1943 l’ensemble du Revier, avec ses cinq blocks, abrite plus de deux mille malades pour un effectif soignant et administratif d’environ cent vingt personnes. Et, si les deux premiers blocks en dur, les Reviere I et II, offrent des conditions correctes d’accueil, il n’en est pas de même pour les Reviere III, IV et V, des baraquements en bois. Selon la logique des bourreaux, plus les malades sont gravement atteints, plus ils sont démunis de soins et de nourriture, poussés vers la mort : les faibles n’ont pas de place dans cet univers.
Le Revier III est réservé à la chirurgie septique. Les salles sont surpeuplées, les malades installés sur des châlits à trois étages. L’aile A est affectée aux blessures purulentes, phlegmons, infections ; l’aile B aux érésipèles et maladies urinaires. En tout, environ trois cents lits, dont Raymond Jamain occupe l’un en mars 1943 : « Une odeur de viande pourrie, de pus, monte à la gorge et provoque une envie de vomir. Entassés sur les châlits, des malades geignent, conscients ou inconscients. Les infirmiers s’affairent à réenrouler des bandes de papier autour des jambes, des bras, des thorax, des têtes. Dans les allées, c’est un va-et-vient continuel entre ceux que l’on emmène au bloc opératoire, ceux qui en reviennent avec parfois un membre en moins, les morts qui partent au crématoire. » André Franquet y est soigné pour un phlegmon : « Nous sommes deux par lit et je me trouve avec un camarade allemand très malade. Chaque nuit je l’entends réclamer l’urinoir ; le pauvre ne parvient pas à s’en servir et inonde le
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