Sachso
jusqu’au début 1944, date de sa libération et de sa réintégration dans les cadres. Il a en qualité d’ancien officier S. S. toute la confiance du médecin-chef Baumkötter et, sûr d’être approuvé, dirige tout à sa guise, déplace les médecins déportés qui ne lui plaisent pas, trafique dans le camp avec l’alcool et la morphine, fait entrer dans les Reviere pour des mois de faux malades qui sont ses petits amis homosexuels, pratique enfin dans la salle d’opération septique des interventions à sa fantaisie suivies de mort.
« Après son départ, Pistor est remplacé comme Erster Häftlings Artz par Willy Lunsdorf, un Autrichien, ancien médecin S. S. également, qui a eu affaire à la police et qui a été d’abord chef de l’ambulance. Sous des dehors plus affables, il ne se livre pas moins à des actes chirurgicaux de la plus grande inconscience, avec des résultats mortels en série. Un de ses patients, opéré d’hémorroïdes, meurt de septicémie en trois jours. Un autre succombe aussi à une septicémie deux jours après qu’il lui a fait une injection sclérosante pour des varices. Il devient la terreur de tous les malades de la salle septique obligés de passer par lui. À la fin de 1944 il est pourtant relâché à son tour et reversé dans l’armée comme médecin S. S. »
Mais d’autres médecins et infirmiers détenus, y compris des Allemands à triangle rouge, exercent leur métier avec dévouement, dans des conditions difficiles, voire dangereuses, mettant au service de leurs camarades épuisés toutes les ressources de leur intelligence et permettant à des milliers d’entre eux de survivre. Dans cette phalange héroïque, les Français tiennent leur place avec honneur. Le plus connu, le plus souvent cité par les Français et tous les autres déportés de Sachsenhausen est le docteur Coudert, affectueusement appelé « Toubib » par ses camarades de misère.
Grand praticien parisien spécialisé dans la chirurgie osseuse, républicain convaincu ayant aidé à la réalisation en Espagne d’un hôpital pour les combattants contre Franco, replié pendant la guerre à Tunis, c’est là qu’il est arrêté le 29 avril 1943 pour son action au sein de la France combattante. Quand il rejoint ses camarades du groupe des « Tunisiens » à Sachsenhausen, où il est immatriculé le 25 août 1943 sous le matricule 70 782, les S. S. prétendent lui vendre sa liberté contre des soins exclusifs à leurs grands blessés. Il leur répond : « Je suis détenu par vous. Fidèle au serment d’Hippocrate, je soignerai tous les malades et blessés ici, les vôtres comme les détenus. Sinon, je resterai un détenu parmi d’autres. » Sa fermeté est payante. Du 3 septembre 1943 au 24 juin 1945, il est le chirurgien du Revier I, après une dernière épreuve que lui font subir les médecins S. S. Baumkötter et Gaberle, impressionnés par sa réputation mais curieux de le voir à l’œuvre.
Le docteur Coudert est conduit au lit de Paul Dubois, le mineur de Carvin, qui est dans un état grave avec une jambe énorme et un genou globuleux. En chirurgien averti, il diagnostique une tuberculose avancée du genou. Après confirmation par une radiographie, il affirme : « Il faut absolument opérer et faire la résection du genou. » – « Très bien, vous la pratiquerez vous-même demain ! »
Le lendemain, Coudert est prêt : « Autour de la table opératoire où est allongé Paul Dubois sur qui je commence à pratiquer l’anesthésie rachidienne par piqûre de la moelle, il y a tous les médecins S. S. et le personnel S. S. du camp, le Lagerführer en tête. Tout le monde attend. Pour les impressionner davantage, j’exagère des préliminaires quelque peu théâtraux mais en moi-même je me dis que, si j’ai quelque talent, c’est le moment de le montrer. J’ai devant moi un Français à sauver et mon propre avenir à assurer. »
L’intervention débute. Une incision circulaire part du côté intérieur, contourne le genou sous la rotule et se termine sur le côté extérieur. Le lambeau soulevé permet l’ablation de la rotule à demi-rongée. Le fémur scié en vé pointu et la partie saine du tibia en vé ouvert sont ajustés l’un dans l’autre et maintenus par un fil métallique. Après suturation de la peau, un plâtre volumineux est appliqué de la ceinture pelvienne jusqu’au pied. La durée normale d’une telle opération est de trois
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