Sachso
chiens-loups à la porte.
Le 9 décembre 1941, jour de l’entrée en guerre des États-Unis, les Allemands en prennent dix. Ils sont exécutés six jours plus tard au Mont-Valérien. Ce sont encore des communistes, comme une grande partie des internés de Compiègne à cette époque. Il y a tous ceux dont l’arrestation a accompagné le déclenchement de l’agression hitlérienne contre l’U. R. S. S. le 22 juin 1941. Il y a ceux que la Gestapo et la police de Pétain ont arrêtés depuis un an pour leur action contre les nouveaux maîtres de la France. Il y a enfin ceux qui se trouvaient déjà dans les prisons françaises au moment de l’invasion allemande, arrêtés et condamnés par les gouvernements Daladier et Paul Reynaud en application des décrets de septembre 1939 réprimant les activités et les tentatives de reconstitution du Parti communiste dissous. Parmi ces derniers se trouve Gaston Bernard, d’Argenteuil :
« À la centrale de Fontevrault, nous sommes quatre dont les trois années de prison se terminent en novembre 1942. Mais, à notre date de libération, nous ne faisons que passer du régime pénitentiaire à celui d’internés administratifs. Jusqu’à ce que des gendarmes allemands viennent nous chercher au début de décembre 1942 pour nous conduire à Compiègne. Ce sont les gendarmes allemands qui signent eux-mêmes notre levée d’écrou sur le livre de la prison et reçoivent notre dossier des mains de l’administration.
« Une fiche épinglée à l’angle gauche de ce dossier porte des appréciations fournies par la direction de la prison. Je lis sur la mienne “conduite dans le travail : bonne ; mentalité : douteuse.” Douteuse pour qui ? Les Allemands ou les Français ? Servilité de l’administration française de l’époque ! »
Mais à Compiègne les prises d’otages et autres mesures de répression sont impuissantes à briser l’esprit de résistance qui souffle à l’intérieur du camp comme sur la France meurtrie. Le 22 juin 1942, par exemple, c’est l’évasion historique des « 19 de Compiègne » par un tunnel qui a demandé des mois de travail dans un secret scrupuleusement respecté par tous. Sept des dix-neuf évadés ne restent malheureusement pas longtemps à leur poste de combat retrouvé. Deux sont repris et fusillés. Cinq sont de nouveau arrêtés et emprisonnés, dont Charles Désirat, qui sera du transport du 23 janvier 1943 pour Sachsenhausen.
DANS LA NASSE DE COMPIÈGNE
Au fut et à mesure qu’il devient le grand centre de départ pour les camps nazis – triste privilège qu’il partagera en France avec Drancy pour les familles juives victimes des lois raciales –, Compiègne reçoit des détenus de toutes les prisons du pays.
Il en vient de Paris (Fresnes, la Santé, le Cherche-Midi, les Tourelles, le fort de Romainville), de Bordeaux (fort du Hâ et caserne Boudet), de Rouen (Bonne-Nouvelle et Palais de Justice), de Lyon (Montluc), de Dijon et de Saint-Étienne, de Nantes et de Rennes, de Charles-III de Nancy et d’Édouard-VII de Biarritz, de la citadelle de Perpignan et de la caserne de Montauban, des centrales de Clairvaux, Melun et Fontevrault, des camps d’internement de Voves, Châteaubriant, Aincourt, etc. Des gibiers de prison chevronnés sont mêlés aux résistants en vue de futurs mouchardages et pour un meilleur contrôle de l’ensemble des détenus.
Il vient aussi, à la fin de 1942, trois cents nomades du camp de Rouillé, près de Poitiers. En 1939, à la déclaration de guerre, les nomades ont été rassemblés là, par précaution contre l’espionnite, prétend-on. L’armistice signé, les internés de Rouillé n’en restent pas moins derrière les barbelés. C’est l’équivalent de ce qui se passe en Allemagne. Les nazis considèrent les Tziganes et autres nomades comme des asociaux qu’il convient d’enfermer dans les camps de concentration. Il en sera ainsi pour ces trois cents nomades de France qui partiront à Oranienburg-Sachsenhausen avec le premier convoi de janvier 1943.
À l’exception de ce cas particulier et de quelques autres, quels sont les hommes que l’on enferme dans la nasse de Compiègne ?
Ce sont des Français de toutes opinions, qui croient au ciel ou qui n’y croient pas, mais qui sont animés de la même volonté de lutter pour rendre à la patrie son indépendance, sa liberté et sa dignité. Jusqu’à leur arrestation, ils l’ont manifestée sous
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