Sachso
libération. Le 15 mai 1945, sur les eaux du lac Traun qui baigne Ebensee, des milliers de fausses livres sterling remontent du fond. L’affaire de « la Banque d’Angleterre de Sachsenhausen » commence à défrayer la chronique des services secrets occidentaux qui, en ce même jour du 15 mai 1945, apprennent avec satisfaction la capture d’Otto Skorzeny dans un chalet du « réduit alpin ».
Révélé à l’opinion mondiale par son audacieux coup de main du 16 août 1943 qui libère Mussolini, le colonel S. S. Otto Skorzeny est un expert de vieille date des services spéciaux nazis. Il est l’homme que choisit toujours Himmler, grand chef de la police, pour ses missions de choc, ses opérations les plus risquées hors du Reich. Le 18 avril 1943, Skorzeny est nommé à un haut poste de la R. S. H. A., la Sécurité centrale du Reich, qui coordonne tous les services de police. À la section de l’espionnage à l’étranger (Amt VI), il devient le chef du groupe S (sabotage) et installe son état-major au château de Friedenthal, enclos dans le complexe S. S. de Sachsenhausen, à deux kilomètres au nord du camp… C’est pourquoi son nom est dès lors fréquemment lié à des épisodes de la vie et de la mort des déportés d’Oranienburg-Sachsenhausen.
À Friedenthal, Skorzeny entraîne ses Jagdkommandos (kommandos de chasse S. S.), chargés de destructions à l’arrière du front des Alliés, et expérimente les armes nouvelles de cette guerre de coups de main. Des détenus parmi lesquels Ernest Jarasse, d’Ussel, travaillent sur certains de ces engins et explosifs dans une baraque située derrière celle des « mathématiciens », et quand Skorzeny a besoin de cobayes il prend des prisonniers.
Paul Pasquier, n° 64 656, arrêté à dix-sept ans pour son appartenance à l’O. R. A. (Organisation de résistance de l’armée), aperçoit un jour Skorzeny, « Le Balafré » comme on l’appelle, à la sortie du champ de tir des S. S. de Sachsenhausen qu’il utilise pour ses hommes : « Je suis parmi une corvée de déportés russes, polonais, yougoslaves pour nettoyer les abords de cet endroit. Skorzeny est en tenue de combat, armé, et vient de participer avec d’autres officiers et sous-officiers à l’assassinat de plusieurs détenus, des essais très certainement. Je suis à quelques dizaines de mètres, tenant mon balai très serré et donnant l’impression de travailler très fort, seule manière de ne pas se faire remarquer et de vivre. J’essaye ensuite de savoir s’il y a des Français parmi les détenus assassinés ce jour-là : en vain. »
Bernard Vos voit Skorzeny de plus près encore, puisque, affecté un moment comme électricien au kommando Friedenthal-Schützengilde il se trouve plusieurs fois nez à nez avec lui en effectuant des réparations au château. Il constate combien il est redouté de tous.
Quand il s’agit d’étudier les effets des balles empoisonnées dont il va doter ses hommes, Skorzeny les fait tirer dans le corps de prisonniers de Sachsenhausen. Cet acte inqualifiable est confirmé devant la Cour criminelle de Düsseldorf le 16 mai 1961, au cours de l’interrogatoire du Sturmbannführer S. S. Albert Wiedemann. Celui-ci précise même que ces balles de 6,35 et 7,65 étaient explosives, afin d’accélérer la pénétration du poison dans le sang.
Qui Skorzeny fait-il gaver d’eau de mer pour éprouver les limites de résistance de l’organisme humain et les chances de survie de marins lancés dans des raids de kommandos contre les navires alliés ? Des détenus de Sachsenhausen. Ceux qui en meurent sont déclarés « morts en transport », selon la formule consacrée.
Lorsqu’au cours de la contre-offensive allemande des Ardennes, en décembre 1944, Skorzeny envoie ses hommes revêtus d’uniformes anglais et américains semer le désordre à l’arrière des lignes alliées, c’est à bord d’engins motorisés et blindés capturés dans la bataille de Normandie et remis en état par les déportés de Sachsenhausen dans les ateliers S. S.
Quand Skorzeny fait débarquer en mars 1945 sur la Côte d’Azur, via l’Italie, un groupe de miliciens français qu’il a entraînés au sabotage, quels papiers d’identité leur fournit-il ? Ceux de prisonniers politiques français de Sachsenhausen, afin qu’ils puissent se présenter en déportés évadés dignes de confiance.
Skorzeny, comme bien d’autres de son
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