Sachso
Figeacois a connu la Résistance. À Sachsenhausen, après notre immatriculation dans la série des “84 000”, nous nous sommes déjà regroupés à plusieurs. Maintenant, à Falkensee il me faut retrouver mes camarades. Je suis au block 5, Michel Murciano est au 6, Georges Tessier au 5. Nous échangeons nos impressions sur notre nouvelle résidence et ses habitants, sur les possibilités de nous rassembler et de prendre contact avec les organisations de résistance qui doivent exister ici… Dans les jours qui suivent, nous sommes affectés à des kolonnen de travail et Michel, à la kolonne 7, se lie avec un gars surnommé “Soviet”, qui nous invite à rencontrer son ami Lucien Piron. Celui-ci vient justement de recevoir un colis avec des pâtes. Il nous invite à les partager et c’est au cours de ce repas, en juillet 1944, que sont jetées les bases d’un comité français de résistance, à l’image de la Résistance en France.
« Dès ce premier jour, les tâches sont fixées : Lucien Piron contactera les communistes ; Michel Murciano animera un mouvement d’aide et de solidarité entre tous ; Jean Barnechea regroupera les anciens maquisards ; Pierre Clédat fera la liaison avec ces trois camarades et, de plus, verra Georges Tessier pour animer le groupe des jeunes.
« Puis nous établissons une bonne liaison avec nos camarades politiques allemands et, par leur intermédiaire, avec les représentants des autres nationalités, sauf les Russes avec qui nous avons un contact direct. René Doury assume la responsabilité de ces contacts internationaux.
« Enfin, pendant que Jean Barnechea trouve en Joseph Le Gloahec, dit Jo – Breton, bien sûr, mais chef d’un important maquis de Saône-et-Loire –, une aide efficace pour organiser ses hommes sur le modèle des F. T. P., des efforts particuliers sont déployés pour regrouper les membres des diverses formations de la Résistance française qui sont là : M. U. R. (Mouvement unis de la Résistance), A. S. (Armée secrète), Front national, etc. Ce sont principalement Jean Laudet et Jean Garçonnet qui entreprennent ce regroupement… »
Assurés de leur cohésion, forts de leur solidarité, les Français peuvent alors contrecarrer plus facilement, mais non pas moins dangereusement, la production de guerre de l’usine Demag pour laquelle ils travaillent. Il faut être prudent, attentif, veiller à exploiter la moindre erreur des Meister civils.
Ernest Mercier préfère d’abord les petites corvées de manutention au travail productif, mais le Meister de la kolonne 9 l’affecte au montage des roues dentées sur lesquelles s’engrènent les chenilles des chars : « Je lui fais aussitôt constater qu’il y a des malfaçons dans les roues que nous recevons d’une autre usine, car certaines ne sont pas aux dimensions voulues. Il les fait mettre de côté et est tout confiant en moi. J’en profite avec mes camarades pour serrer les boulons des bonnes roues sur des contre-écrous. De cette manière, les roues portent à faux et, après quelque temps d’usage à l’essai, elles cassent et font sauter les bandages. Les officiers se réunissent et il faut entendre comment ça gueule contre les Meister. Le nôtre se défend comme un lion en disant que le sabotage vient de l’usine-mère et qu’il peut leur montrer les roues qui ne valent rien, elles sont là… L’alerte est chaude, mais elle passe. »
Avec son équipe, Roland Picart est affecté au contrôle de la kolonne 11 (fabrication des pièces détachées) domaine du Meister Kunck, alias « Nimbus », alias « Topinambour », ancien prisonnier de 1914-1918 et fanatique du III e Reich : « J’ai la charge d’instruire tous les apprentis tourneurs appelés à utiliser des appareils de mesure de précision… Que des pièces bonnes se glissent dans les rebuts, nous n’en jurerons pas, que des pièces mauvaises (vraiment, celles-là) aillent au montage, cela doit arriver assez souvent… En mesurant avec des jauges, des fourches ou des calibres placés sur des radiateurs chauds, des pièces exposées en plein hiver au froid extérieur, et les tolérances étant de l’ordre du micron, peu de pièces ont des chances d’être acceptées ! Nous sommes la seule table de Français qui tiendra jusqu’au bout. Aux trois autres tables, les Polonais nous jalousent, car ils ont à contrôler les grosses pièces, alors que nous sommes spécialistes des petits
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