Sachso
formats… » À cette même kolonne 11, Nils Mercier suit les traces de son père : « Le travail se fait par semaines alternées, douze heures de jour ou douze heures de nuit. Étant agriculteur et travaillant sur un tour-revolver, dès le second jour je grille le moteur. Le commandant de Bellenet qui est au contrôle et l’interprète ont bien du mal à convaincre le Meister que ce n’est pas du sabotage mais de l’inexpérience de ma part et qu’il n’y a pas lieu de m’envoyer faire un stage à la Strafkompanie de Sachsenhausen.
« Parce que nous avons manifesté le 11 novembre 1944, nous sommes punis, en représailles, d’une marche d’exercice. J’en sors avec une pleurésie et, après un séjour au Revier, je reviens à la kolonne 11 mais à la section des perceuses. C’est là qu’une nuit je vois, sans rien dire, mon Meister se tromper dans le traçage des trous à percer. Alors, oui, cette fois je fais du rendement ! Mais le lendemain soir le chef des Meister m’attendait de pied ferme… J’explique longuement que je n’ai fait que suivre le tracé du Meister et les deux chefs s’accrochent sévèrement. Pour ma plus grande joie intérieure et celle de mes voisins belges avec qui nous nous entendons pour mettre le plus de temps possible à exécuter les premières pièces au début de chaque série, car c’est à ce moment-là que l’opération est minutée. »
À la kolonne 7 (fabrication d’obus), Pierre Piauton a mis au point un truc qu’il n’utilise qu’à bon escient : « Avec mon système la presse à étirage, une grosse presse, d’au moins dix mètres de haut, se coince ; l’obus y reste collé et, pour réparer, il faut une heure ou deux, parfois la demi-journée. Au lieu des trois cents prévus, la production des douze heures journalières tombe à quatre-vingts ou même quarante obus. » Le procédé a été communiqué à d’autres hommes de confiance et Georges Boivent, l’animateur des jeunes à la kolonne 7, le connaît bien : « il faut “oublier” de mettre de la mine de plomb sur le poinçon creusant le bloc d’acier et ne pas araser ce poinçon, donc ne pas le refroidir. Ainsi, après une ou deux manœuvres, il reste coincé dans le bloc incandescent qui lui-même reste enserré dans la base de la presse. C’est la panne…
« J’ai toujours été à cette kolonne et bien d’autres que moi comme Murciano, Tessier, Bême, Maire, Desseix, Hochard, Houssin, Lagorce, Poncet, des amis que je côtoyais chaque jour, étaient témoins de ce que nous parvenions à faire… »
Par exemple, l’équipe de Michel Murciano, sur une petite presse, forme l’ogive des obus déjà rectifiés que Robert Dufour attend à la sortie, calibres en main : « L’emboutissage fait au ralenti n’est pas merveilleux, 60 % des obus ne répondent pas aux normes et nous en sommes fort aise. Mon équipe, parmi laquelle est l’abbé Lavallart, roule donc, déplace, empile les obus en cinq ou six classements. Il y a les valables, mais surtout des trop courts, des trop longs, des trop larges, des trop étroits, qui prennent, sous nos yeux ravis, la direction de la ferraille. Après deux bons mois, notre équipe, pour ne parler que d’elle, a réussi à n’expédier à l’usine de finition que… deux wagons de deux cents obus. Le Meister de la petite presse, devant l’énormité du rebut, change les repères de l’ingénieur (que je sais valables) sur mes calibres… J’exécute ces nouveaux ordres… Je repasse tous les “mauvais”, nous les mélangeons avec les “bons” et nous expédions le tout… Deux mois plus tard, l’ingénieur vient déverser sur moi sa fureur, dans le français impeccable qu’il pratiquait quand il était dans la Gestapo en France… Il me traite de saboteur, me menace de la pendaison… pour avoir fait expédier 65 % de mauvais obus à l’usine de finition… Quand il reprend son souffle, je lui explique que c’est le Meister qui a modifié mes calibres… Celui-ci, heureusement pour moi, ne se dégonfle pas, et doit finalement reconnaître son erreur. »
La kolonne 7 est aussi un centre d’information, dont Pierre Clédat explique le fonctionnement : « Certains ont repéré les journaux qui dépassent des poches des Meister. La consigne est vite donnée par Murciano : les lire, transmettre à Morachini qui transcrit et peut traduire au besoin. Le texte reçu, j’en fais un commentaire que je remets à
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