Sachso
S. S. furibond me repère et, fonçant sur moi, me catapulte dans l’allée d’un coup de botte dans l’arrière-train. Grâce à mes maigres et longues échasses, je peux lui échapper dans l’épais nuage de cendres et de vapeur qui environne le four en panne. Sinon, c’était la fin pour moi… »
À la dernière étape de la chaîne des grenades se trouve l’usinage, et là encore un événement fortuit peut avoir des conséquences inattendues, tel celui qui survient à Gaston Bernard : « Sur un groupe de quatre tours, trois sont arrêtés ; seul le mien fonctionne et les grenades s’amassent sur la chaîne. En les empilant, l’une d’elles tombe sur le câble électrique alimentant les machines. Tout s’arrête pendant plusieurs heures avant qu’on trouve le court-circuit.
J’attends quelques jours et je jette une grenade au même endroit, même résultat… »
LE COMITÉ ET LA PAROISSE DE FALKENSEE
Les trois cents Français de Sachsenhausen qui arrivent en mai 1943 à Staaken pour se joindre aux détenus construisant le camp-annexe de Falkensee ont d’abord du mal à réagir. Le travail est très pénible, la nourriture est insuffisante et exécrable, la tyrannie des « verts », qui ont le kommando en main, est cruelle et nos camarades se heurtent à une hostilité quasi générale. En particulier, leur entrée au Revier est systématiquement, refusée par le « droit commun » allemand qui le dirige et le médecin polonais qui y sévit.
Sous l’impulsion d’André Hureaux, des F. T. P. Jean Barnéchéa et Jean Mélai, du syndicaliste Lucien Piron et d’autres, un groupe d’auto-défense s’esquisse, mais l’union est difficile et la question du sabotage n’est évidemment pas à l’ordre du jour : on ne va pas s’en prendre aux constructions où l’on logera quelques mois plus tard. Le transfert de Staaken à Falkensee se fait en juillet 1943 et marque une première évolution. Par un long travail souterrain, les « rouges » allemands commencent à disputer des postes aux « verts » et favorisent le regroupement des Français dans certains blocks, mais, sur les trois cents du début cent vingt sont déjà morts…
Pour Roland Picart, le changement se manifeste d’une façon plutôt cuisante. Un jour de la première quinzaine de septembre 1943, suite à son retard à l’appel sur le chantier, il est violemment frappé par un Vorarbeiter nommé Peter qui est un politique allemand. Des coups de la part des S. S. ou de leurs auxiliaires « verts », passe encore ! Mais d’un « rouge », non ! Roland Picart s’indigne : « Peter vient me trouver le lendemain et s’excuse. Dans mon “petit nègre allemand” avec quelques mots de français et d’anglais, je lui dis ce que j’ai sur le cœur et lui promets que si je le rencontre plus tard je lui casserai la figure, car même si, pour sauver sa place, il avait dû cogner, il aurait pu ne pas appuyer ses coups ! » Or ces excuses inhabituelles, Peter les a faites sur injonction des dirigeants du comité clandestin allemand qui sont alors Christian Mahler, Karl Stenzel et Gustav Buttgereit. Et à Noël 1943 les Français peuvent organiser leur première assemblée au block 1, dont le chef est Christian Mahler, manifestation qui affirme hautement l’existence d’une collectivité française.
Vers juin 1944, les antifascistes allemands de Falkensee reçoivent en renfort Max Reimann, ancien député communiste au Reichstag. Il est envoyé là par le comité de Sachsenhausen, qui entend le soustraire aux investigations policières qui se déroulent alors au grand camp. Il contribue à renforcer les liaisons avec les Français pour qui le 2 juillet 1944 introduit un nouveau rapport de force. Six cents Français arrivent au kommando, venant de Neuengamme via Sachsenhausen, et Jean Mélai fait le compte : « Avec les cent vingt que nous restons de Staaken, ces six cents portent à un niveau appréciable l’effectif des Français au sein des deux mille cinq cents détenus de Falkensee. Nous serons moins isolés dans les blocks et dans les kolonnes, nous subirons moins la loi des autres, en particulier des Polonais, qui sont les plus nombreux. »
Pierre Clédat évalue lui aussi avec confiance l’apport des nouveaux arrivants dont il fait partie et parmi lesquels il a noué de précieuses amitiés : « Les membres des réseaux et des maquis sont nombreux parmi nous, le fort groupe des
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