Sachso
de Notre-Dame-de-Gravenchon, puis sur un chantier d’Octeville, près du Havre, où ils avaient été arrêtés le 21 octobre 1941 : « Alors que nous attendons sur la place d’appel de Sachsenhausen, j’ai un choc en apercevant mon ami Robinet qui tourne avec la Straf. Je ne l’avais pas revu depuis Compiègne. Je suis au premier rang et, lorsque Émile passe devant moi, au deuxième ou troisième tour, il me voit et réussit à me dire entre ses dents : “Ça va mal !” Il ne peut faire plus et moi-même, sous le regard des surveillants et des S. S., je suis impuissant à lui manifester la peine que j’ai et qui ne lui est d’aucune utilité. C’est entre nous une terrible histoire sans paroles… Robinet était mon camarade de travail en France, nous avions pris ensemble des responsabilités en 1938, nous habitions le même pays, je connaissais sa famille… C’est le dernier souvenir que j’emporte de lui et les derniers mots que je devine plus que je n’entends de sa bouche… »
Marceau Benoit est le plus jeune des fusillés du 11 octobre 1944. Il n’a que vingt ans. Il est né le 29 août 1924 à Calais. On ne lui connaît pas d’autres convictions que son patriotisme et son amour de la liberté. Réfractaire au travail obligatoire pour les nazis, il est arrivé à Sachsenhausen dans un groupe d’isolés en juillet 1943.
José Carabasa, chassé de la cuisine de Heinkel et reclassé cuistot au grand camp grâce à Fritz Eckemayer, a connaissance aussitôt de l’exécution : « Tous les matins, un camarade employé au four crématoire vient chercher le café pour l’équipe qui a fait la nuit. C’est ainsi que j’apprends la mort de Bergeron et des autres camarades. Ce Laüfer du Krematorium rapporte chaque jour tout ce qui s’est passé dans les vingt-quatre heures à la chambre à gaz et au four crématoire. En contrepartie, il a une ration supplémentaire de café. C’est Willy Engels qui recueille ces informations. Ce jour-là, c’est la consternation dans tout le camp. Nous nous arrangeons pour faire savoir la triste nouvelle aux copains de Heinkel. »
Si grand soit le comportement héroïque des fusillés du 11 octobre 1944, il faut associer à leurs noms celui de Fernand Bréan, n° 59 048, mort sous la torture quelques semaines avant, sans parler.
Fernand Bréan travaille au grand camp, au Waldkommando, avec Bertrand Gauchet qui a vécu longtemps à Nantes. Tous deux sont dénoncés par des agents français du nouveau Lagerältester « noir » Kuhnke. Lucien Drouin précise à ce sujet : « J’étais avec Bertrand Gauchet au Kraftfahrzeugdepot Wald, pas dans la même équipe, mais nous avions coutume de nous mettre à la même table le midi. Bertrand Gauchet était profondément antinazi mais, malheureusement, il en parlait un peu trop librement. Quand il nous disait comment il sabotait les camions expédiés sur le front russe, je lui recommandais de faire attention aux mouchards qui nous entouraient. Il ne me croyait pas, et cependant il n’y en avait pas moins de deux à notre table, nous l’apprîmes par la suite : un Français Liebeskind et un Belge, René Mauyen. C’est ainsi que notre camarade fut arrêté… »
Bréan, enfant de l’Assistance publique, cheminot de la grande gare de triage de Trappes à l’ouest de Paris, est, quant à lui, un combattant endurci. Jusqu’à son arrestation en novembre 1942, il participe à maintes actions contre le matériel ferroviaire utilisé par l’armée allemande. Avec son groupe F. T. P., il détruit plusieurs locomotives, sabote des rails, fait sauter le transformateur des « Quatre pavés du roi ». Dans les ateliers militaires de la S. S. du Wald, il continue sa lutte sous une forme moins spectaculaire mais aussi efficace. Dès son arrestation, Fernand Bréan, qui nie obstinément, est envoyé à la Strafkompanie de Klinker. Sa vie se décide entre deux notes de la Sonderkommission. La première, du 17 juillet 1944, signée Ortmann, demande à l’adjoint du commandant de Sachso, le S. S. -H.-Stuf Kolb de libérer Bertrand Gauchet du bâtiment cellulaire, interrogatoires terminés, et de l’affecter à la Strafkompanie du grand camp, aux Schuhlaüfer, les essayeurs de chaussures. Ortmann ajoute : « Je demande d’affecter le détenu Fernand Bréan, n° 59 048, dans la cellule ainsi libérée (il se trouve actuellement à la SK de Klinker), car il est utile par la suite pour
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