Sachso
des inculpés sont torturés au point qu’on doit les porter sur des brancards pour les amener au crématoire…
« Tout cela est vain. Les S. S. ne parviennent pas à décapiter l’organisation internationale du camp. Le 10 octobre, arrive l’ordre de Himmler : vingt-sept politiques dont trois Français doivent être exécutés dans la nuit… Les S. S. casqués et en tenue de combat se rassemblent sur l’ordre de Kaindl… Les blocks sont strictement consignés. La troupe est prête à intervenir. Sur les miradors, les sentinelles doublées engagent les bandes dans les mitrailleuses. À quatre heures du matin, le détachement d’exécution fait irruption dans le block 58. Un géant, boucher dans le civil mais ici cuisinier S. S. de la Kommandantur, Adolf Kelb, ligote les vingt-sept condamnés. On les informe de leur “transfert dans un autre camp” mais, les mains enchaînées, entravés, ils ne gardent aucune illusion : c’est l’exécution !… Les vingt-sept hommes, stoïquement, tête haute, avancent le long du mur du camp, leurs pas gênés par les entraves. Josef Tschub, les reins brisés, se traîne en rampant. Les S. S. les insultent… Dans la cour de l’ Industriehof, par ordre du Reichführer, les S. S. veulent les contraindre à se coucher par terre. Ils refusent, maudissent leurs bourreaux, crient leur foi en la victoire. Cette atteinte à “l’honneur du Chef” déclenche la fusillade sur les détenus ligotés. »
Sur les registres officiels la liste des vingt-sept martyrs est suivie à chaque nom de la mention « Auf Befehl erschossen » (fusillé sur ordre).
Ils sont vingt-quatre antifascistes allemands, vingt-quatre communistes assassinés pour avoir poursuivi le combat antinazi avec des résistants d’autres nationalités et d’autres opinions. Il y a Heinz Bartsch, Lagerältester de Sachso, Erich Boltze, chef du block 8 à Heinkel, ancien rédacteur à la Rote Fahne, arrêté à l’âge de dix-neuf ans en 1933. Sont avec eux trois anciens députés communistes, l’instituteur Ernst Schneller, le tourneur Mathias Thesen et Rudolf Mokry, emprisonnés depuis l’arrivée de Hitler au pouvoir et qui n’ont cependant jamais douté de sa défaite un jour ou l’autre, tout comme leurs camarades Alfred Ahrend, Fritz Bücker, Emil Dersch, Ernst Fürstenberg, Willi Grübsch, Arthur Hennig, Rudolf Hennig, Dietrich Hornig, Otto Kröbel, Erich Mohr, Kurt Pschalek, Hans Rothbarth, Josef Rutz, Wilhelm Sandhöfel, Gustl Sandner, Gustav Spiegel, Siegmund Sredzki, Josef Tschub, Ludger Zollikofer.
Et puis, il y a nos trois camarades, André Bergeron, n° 58 393, Émile Robinet, n° 58 689, Marceau Benoit, n° 69 117.
André Bergeron, jeune fonctionnaire à la préfecture de Mont-de-Marsan, communiste intrépide et enthousiaste, meurt à vingt-trois ans, en laissant à Bayonne une petite fille qu’il n’a pas vu naître aux côtés de sa femme et de sa mère dont il aimait tant parler. Un des derniers à le voir, le 10 octobre 1944, est Louis Mager : « Je fais partie du groupe de Heinkel transféré à Sachso et rassemblé au block 58 en attendant son destin sous la surveillance de “verts” sadiques. Les journées se passent en petites équipes, à trier de la ferraille, à discuter pour meubler nos esprits et ne pas penser au sort qui nous est réservé. Ce jour-là, je suis assis à la droite de Bergeron et André Quipourt, de Paris, est à sa gauche quand, soudain, son nom est appelé au haut-parleur. Il se lève, inquiet. Son regard s’attarde sur nous et nos camarades allemands parmi lesquels Franz German, Hallenvorarbeiter au hall 2 où je travaillais et qui portait un triangle rouge à deux bandes. André Bergeron part pour disparaître à jamais… »
Émile Robinet, quarante-quatre ans, est un des dirigeants C. G. T. du Syndicat des raffineries de pétrole de Notre-Dame-de-Gravenchon (Seine-Maritime) qui a payé un lourd tribut à la Résistance, puisque son secrétaire Henri Messager, de la Standard Oil, est fusillé au Mont-Valérien, qu’un autre de ses responsables, André Augeray, de la Vacuum Oil, est à Sachsenhausen avec le n° 58 118, et que Fernand Quesnel, de la Vacuum Oil, est également déporté à Sachsenhausen. Au milieu de l’été 1944, André Augeray, au cours de son transfert de Heinkel à Kalisz (un kommando de Ravensbruck en Pologne) aperçoit une dernière fois Émile Robinet, son camarade de travail à la Vacuum Oil
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