Sachso
s’échappent, pendant un bombardement du stade de Glaubitz où ils sont parqués. Presque tous sont repris par les civils enrégimentés dans le Volkssturm. Ils sont fusillés par les S. S. après être restés des heures debout, les mains enchaînées derrière le dos. Il y a plusieurs Français de Sachsenhausen parmi eux.
Pierre Gros voit ainsi partir courageusement à la mort quelques-uns de ses camarades : « Il y a Marcel Jacquot, un ouvrier des Forges de Clairvaux, avec qui j’aimais tant discuter, et deux jeunes de vingt ans : Martinaud, un garçon des Ardennes, Raymond Tardy, un jeune de Vierzon… »
Dans la nuit du 20 au 21 avril, l’Elbe est repassé à Riesa, en dessous de Torgau où Russes et Américains feront leur jonction, le 25 avril. Le 24 avril, dans la colonne où il marche vers le sud avec René Fayat, Adolphe Pérelstein, Victor Boulinguez, Gaston Darmon, Jean-Pierre Mérolli et tous ses camarades de Heinkel, Fernand Châtel est stupéfait, en traversant Luppa, une ville sur la grande route de Leipzig-Dresde : « Il y a des drapeaux blancs partout. Des soldats allemands sans armes sont sur le pas des portes. Un fol espoir nous envahit. Mais les S. S. sont encore plus hargneux, plus vigilants et font presser l’allure. Nous apprenons pourquoi. Il y a une heure ou deux, une auto-mitrailleuse américaine est passée, la ville s’est rendue… et les éclaireurs américains sont repartis. »
Le 30 avril, descendant toujours vers le sud, déportés et S. S. se plaquent soudain à terre avec ensemble. Un avion anglais, surgissant presque en rase-motte de derrière une colline, ouvre le feu. S’aperçoit-il que ce convoi n’a rien de militaire ? Il ne prolonge pas sa rafale, mais Charles Sasserand, lui aussi ancien de Heinkel, note : « On relève six morts et une vingtaine de blessés, dont deux très gravement atteints. »
Jusqu’à la dernière minute, des Français de Sachsenhausen tombent : Charles Schmidt à Naundorf, puis André Picot, de Rennes, tué le 7 mai dans une grange d’Hennersdorf, un village servant de halte pour la nuit. Les S. S. arrosent de grenades la paille où ils savent que sont restés cachés des détenus. Dans la nuit du 8 au 9 mai, ils fusillent, avant de s’enfuir, une centaine de déportés qui n’ont pu s’égailler dans la forêt avec les autres. Maurice Pruniaux, conseiller municipal de Bagneux, est dans le tas des massacrés.
Un autre horrible charnier est découvert par les Américains à leur entrée dans Leipzig, sur l’emplacement même du kommando de Thekla. Le soir du 13 avril, les S. S. enferment dans une des baraques plusieurs centaines de déportés, malades ou impotents, incapables de marcher. Ils sont tous exterminés peu après au canon, à la mitraillette et au lance-flammes. Tous, sauf quelques-uns, parmi lesquels quelques Français de Sachsenhausen. Eux seuls peuvent dire quelles scènes d’épouvante sont derrière ces photos qui paraissent alors dans la presse mondiale et montrent des cadavres de déportés calcinés, défigurés, accrochés aux barbelés du camp de Leipzig-Thekla. Voici l’odyssée de René Rocheteau, de Charente-Maritime :
« La nuit du départ de nos camarades nous semble interminable, à nous qui restons enfermés sous bonne garde. Dans la matinée, un S. S. prétend que nous allons être libérés…
« 14 h 30 : nos gardiens ont disparu ; un tank apparaît, que nous voyons par les fenêtres. Nous croyons que ce sont nos libérateurs qui arrivent. Mais le tank stoppe devant le camp et, surprise, c’est un char allemand qui crache feu et flamme sur le baraquement où nous sommes entassés. Un instant après, une cinquantaine de S. S. entourent la baraque. Ils ont des mitraillettes, des revolvers, des lance-flammes : c’est le massacre.
« Je sors une première fois de cet enfer. Les S. S. sont là, à quelques mètres, tirant sur tout ce qui bouge. Déjà les morts s’amoncellent les uns sur les autres. Je dois revenir dans le baraquement. Pas pour longtemps. Il n’est plus possible de résister au feu. Une dernière fois, je vois mon camarade Belfort, de La Rochelle, cloué par la maladie sur son grabat. Je l’adjure de faire un suprême effort. C’est au-dessus de ses moyens. Il est incapable du moindre geste. De tous côtés retentissent des cris de terreur auxquels se mêlent les plaintes et gémissements des mourants.
« Une seconde fois, je sors. Les balles
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