Sachso
relancer, après un violent bombardement qui a détruit huit halls de fabrication sur dix. Des renforts successifs, venus de Buchenwald, portent bientôt l’effectif à deux mille déportés.
En deux équipes, l’une de jour, l’autre de nuit, ils reprennent la construction des ailes du Junker 88, dans un seul hall. Dans l’autre, il y a des prisonniers de guerre français affectés au stockage et à la manutention des fournitures qu’ils apportent aux déportés, en leur transmettant informations et renseignements recueillis au dehors.
Les S. S. de garde sont de vieux Allemands récemment recrutés. Ils ne sévissent pas trop et les antifascistes en profitent pour consolider l’organisation clandestine qui s’efforce d’améliorer la vie au kommando. Mais l’accalmie est de courte durée. D’une part la production se révèle assez précaire, d’autre part les nazis ont un besoin urgent de main-d’œuvre pour le développement, décidé par le ministre de l’armement Speer en accord avec les S. S., des usines souterraines secrètes Krupp, Junker et autres. C’est ainsi que le 22 février 1945 un convoi avec le gros des anciens de Heinkel quitte Halberstadt pour Langenstein.
Les premières baraques du kommando de Langenstein-Zwieberge ont été montées le 20 avril 1944 par un contingent de Buchenwald qui a été totalement exterminé. Ensuite, l’effectif est constamment maintenu à cinq mille détenus par des arrivages continuels destinés à remplacer les morts. Dans des conditions atroces, dix-sept kilomètres de galeries et de vastes salles d’une superficie totale de soixante mille mètres carrés sont creusés dans la montagne. Dans les premiers temps, les cadavres sont incinérés à Quedlinburg, distant d’une quinzaine de kilomètres. Plus tard, ils sont enfouis sur place. En un an cinq mille détenus succombent.
Le 9 avril 1945, le kommando est évacué devant la poussée des armées américaines. Pour Marcel Naime, Paul Contour, Georges de Saint-Étienne, Maurice Piat, Alphonse Basquin, Jacques Lefaure et leurs camarades de Heinkel, mêlés à ceux venus de Buchenwald, de Neuengamme, une longue marche de la mort commence. Elle se prolonge jusqu’au 4 mai avec les S. S. et fait deux mille cinq cents victimes, parmi lesquelles beaucoup d’anciens de Sachsenhausen, comme Ruppé. Les survivants errent deux jours avant de rencontrer les Américains libérateurs…
Au cours du mois de juillet 1944, d’autres transports quittent Heinkel et Sachsenhausen pour les usines Hermann-Goering de Braunschweig. Pierre Matrat, arrêté à seize ans à Royan en août 1942, en fait partie. Il continue ensuite sur un kommando de Hanovre-Stocken, où il est affecté à la fabrique d’accus A. F A. : « Le 4 ou le 5 février 1945, nous sommes évacués devant l’avance anglo-américaine. Une “marche de la mort” de quatre-vingts kilomètres nous conduit au camp de Bergen-Belsen, le domaine de la famine et de la mort. Un jour, deux bouteillons de soupe et des boules de pain sont apportés dans un block par quelques détenus qu’escortent deux S. S. armés. Un instant contenus, les mille affamés, dont je suis, se précipitent sur les récipients. Les S. S. tirent. Des hommes tombent. Nous cherchons à fuir. C’est la panique. Sous la poussée, les parois du baraquement éclatent et le toit s’effondre. Les deux S. S. sont écrasés et bien d’autres aussi. J’en réchappe par miracle… »
En septembre 1944, un transport de mille détenus part de Sachsenhausen pour Flossenburg, qu’il n’atteint qu’à la mi-novembre, pour être immatriculé dans les séries 23 et 24 000. Il a été retardé par maints incidents où André Cros est entraîné : « Tout d’abord notre train est bombardé par des avions américains, dont l’un est abattu près de nous. Privés de moyens de transport et dans la pagaille qui s’instaure, nous restons quarante jours dans un petit camp désaffecté de la région de Brux, où nous mettons à profit le désordre et le manque de gardiens pour refuser tout travail durant trente-six jours… »
LA TRAGÉDIE DE LA BAIE DE LUBECK
Le 25 octobre 1944, 2 000 hommes dont 397 Français, sont transférés de Sachsenhausen à Neuengamme. Des soucis de main-d’œuvre animent encore les Allemands. Une partie de ces détenus est employée à des travaux de fortification près de la frontière hollandaise. D’autres, et Antoine Voisin est du
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