Sachso
nombre, réparent des voies de chemin de fer dans le port de Hambourg. Mais ce transport massif témoigne d’une première mise en place des plans hitlériens de liquidation des détenus des camps de concentration. Avec d’autres anciens de Sachsenhausen Roger Grandperret le découvre avec horreur, lorsque devant l’avance alliée, les S. S. embarquent les déportés de Neuengamme sur des prisons flottantes :
« Le 3 mai 1945, dans la baie de Neustadt au large de Lübeck, se trouvent quatre navires remplis de captifs de toutes nationalités : le Kap Arkona, le Tielbeck, le Deutschland et l’Atheen.
« Tous ces bâtiments sont armés de pièces anti-aériennes, de canons et de mitrailleuses qui prennent à partie les avions anglais de reconnaissance. Si bien que, vers midi, le commandement britannique ordonne aux capitaines des navires de rentrer au port de Neustadt, sous peine d’être attaqués.
« Seul le capitaine de l’Atheen obéit. Malgré les S. S., il achemine son bateau vers le port, sous un vent violent. La tempête sévit sur la Baltique. En plus des paquets d’eau que les navires embarquent, le ciel noir déverse des torrents de pluie.
« C’est dans de telles conditions que la tragédie survient. Vers 13 heures, une escadrille de douze bombardiers anglais attaque en piqué les navires en mer, surtout avec des bombes incendiaires. Dès les premiers instants de l’action, malgré le tir des Allemands, le Kap Arkona prend feu sur toute sa longueur. L’infirmerie, où sont entassés malades et mourants, est la proie des flammes. Presque en même temps, le navire reçoit une torpille, probablement lancée par l’un des douze sous-marins de poche allemands réfugiés dans la baie.
« Tandis que le Deutschland coule, après une demi-heure d’incendie, engloutissant sa cargaison dans une immense clameur, le Kap Arkona brûle pendant plus de quatre heures avant de disparaître en éteignant pour toujours les cris absolument effroyables de plusieurs milliers d’hommes grillés vifs. Décrire les scènes hallucinantes qui se déroulent dans les cabines, sur les ponts qui s’enflamment les uns après les autres où les prisonniers affolés, attaqués, se pressent à s’étouffer, est impossible ! Le navire n’est plus qu’un immense brasier dans lequel se débattent sept à huit mille hommes, dont beaucoup de Français.
« Certains peuvent sauter à la mer, les plus forts se taillent un passage à coups de couteau…
« Environ trois cents nagent jusqu’à la côte distante de deux kilomètres. Les cent quarante premiers qui abordent sont fusillés sur place par les S. S. qui attendent les rescapés sur le rivage. Seule l’arrivée des chars anglais de la division « Mountain », qui occupe Neustadt, arrête ce massacre prémédité.
« Bien que touché par le bombardement, l’ Atheen peut revenir à quai, où il coule après avoir rendu la presque totalité de sa cargaison humaine. Seul le Tielbeck parvient à rejoindre la Suède avec ses prisonniers. »
Sur les vingt mille captifs embarqués, quatre mille à peine dont deux cent quatre-vingts Français échappent à la tragédie de Lübeck.
AU MOUROIR DE BERGEN-BELSEN
En dépit d’un ultime soubresaut de la Wehrmacht dans les Ardennes, l’hiver 1944-1945 balaye les dernières illusions des Allemands, si ceux-ci peuvent encore en garder. Devant la défaite qui se rapproche, les S. S. cherchent à faire disparaître par milliers les déportés qui s’entassent dans les camps devenus réservoirs de main-d’œuvre inutile. Les transports qui quittent Sachsenhausen à cette époque sont avant tout des transports d’extermination. En décembre, en janvier, en février des trains entiers emmènent leurs chargements humains au « mouroir » de Bergen-Belsen.
À l’origine, ce n’est pas un camp de concentration mais un stalag pour des prisonniers de guerre soviétiques. Les S. S. n’en prennent possession qu’en 1943. Ils y rassemblent d’abord des juifs que les nazis envisagent d’échanger contre des ressortissants allemands, détenus par les Anglo-américains. À partir de mars 1944, ils y créent un secteur spécial pour les détenus des autres camps inaptes au travail. Rares sont ceux à qui une exceptionnelle résistance physique permet ensuite de reprendre place dans un autre camp demandeur de main-d’œuvre. Louis-André Fichon, après avoir frôlé la mort au Revier de Heinkel puis au
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