Sachso
sous le coup des épidémies, des erreurs d’alimentation…
Finalement, l’évacuation est décidée par les Anglais, qui transfèrent les survivants à l’ancienne caserne S. S. transformée en hôpital. Yves Léon doit sortir tout nu de sa baraque : « Il faut se dépouiller de toutes nos hardes et les abandonner sur place. On me laisse seulement un ceinturon militaire français que j’avais sur moi au moment de mon arrestation, que j’ai toujours réussi à garder depuis et auquel je tiens. Dehors, tous me regardent : un squelette vivant de un mètre soixante-treize, pesant trente-cinq kilos, tout nu avec, autour du ventre, un ceinturon qui en fait presque deux fois le tour. Mais personne n’a envie de rire…
« Quelques jours après, nous nous retrouvons à cinq Français dans une chambrée. L’un a travaillé avec moi au Kammerkommando de Sachsenhausen. Il est blessé à la main. J’ai oublié son nom, mais il me semble qu’il était de Tarnos, dans les Landes. Il y a aussi un Breton d’origine, Pierre Danic, médecin à Saint-Chamond ou Châtellerault…
« Un jour, nous entendons des coups de canon et nous nous inquiétons. Est-ce que les Allemands reviennent ? Allons-nous être repris ? On nous rassure. Ces salves annoncent la fin de la guerre. Nous sommes le 8 mai 1945…
Le 21 mai 1945, l’évacuation terminée, les autorités militaires britanniques incendient par mesure de salubrité tous les baraquements et miradors. Ainsi disparaissent les vestiges de l’enfer de Bergen-Belsen… Mais, pour nous, le temps passe et le moral faiblit. Seul Pierre Danic est rapatrié… Dans mes efforts progressifs pour remarcher, j’arrive un jour jusqu’à la sortie de la caserne et j’aperçois un lieutenant français. Je le supplie de me rapatrier. Je lui dis que je ne retournerai pas à ma chambrée. Je lui répète que je vais mourir ici, que ce sera de sa faute… C’est ainsi que, finalement, une camionnette m’emmène au camp d’aviation de Celle. Dans l’avion qui nous ramène en France, j’ai la surprise de retrouver mon camarade de chambrée de Tarnos et un autre camarade de Sachsenhausen, l’abbé Henri Dupont, qui est d’ailleurs très malade pendant le voyage.
« J’ai encore une telle peur de mourir en Allemagne que, dans l’avion, assis sur une caisse, je surveille le sol pour essayer de découvrir la terre de France. Il me semble que, de là-haut, je vais voir la frontière et qu’à partir de ce moment-là je serai tranquille : peu m’importerait alors ce qui m’arriverait…
« Après trois heures et demie de vol, notre avion se pose au Bourget. C’est le 4 juin 1945. »
L’INFERNALE NUIT DE MAUTHAUSEN
Le 13 février 1945, il neige sur la place d’appel de Sachsenhausen. Il neige sur deux mille quatre cent quatre-vingt-dix malades et infirmes pris essentiellement dans les Reviere du grand camp et du kommando Heinkel. Gaston Bernard, qui était soigné pour les suites d’une otite, fait partie du long cortège que les S. S. conduisent maintenant à la gare d’Oranienburg : « Un train nous attend avec ses wagons à bestiaux. Dans chacun, toute la partie centrale est occupée par trois bancs disposés en fer à cheval devant la porte et destinés aux trois S. S. de surveillance. Nous devons nous tasser aux deux extrémités et nous ne pouvons guère bouger. Cela rend notre voyage pénible, d’autant plus qu’il se prolonge quatre jours et que nous n’avons rien à boire. Aussi, dès la descente, nous nous précipitons sur la neige pour nous désaltérer. »
Plusieurs centaines de détenus n’ont pu supporter l’épreuve et sont morts durant le trajet. D’autres, principalement des juifs, ont été tués à coups de gourdin par des S. S. Leurs cadavres sont jetés hors des wagons.
Un des camarades de Gaston Bernard, Girault, a le visage tuméfié et se plaint de côtes enfoncées. Seul Français dans son wagon, il a eu d’abord à se débattre contre des groupes qui cherchaient un peu d’aise au détriment des isolés, puis les S. S. sont intervenus à coups de crosse, si fort que plusieurs blessés mourront quelques jours plus tard.
Pour l’instant, les S. S. s’acharnent sur les survivants du transport qui se murmurent le nom de leur nouveau camp, Mauthausen, perché sur une hauteur qu’il faut maintenant gravir. Beaucoup en ont peur, mais Mastrosimone, qui a été immatriculé à Oranienburg en janvier 1945
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