Sachso
du ciel mais, emportés par le vent, ils nous échappent.
« Samedi 21 avril : Au réveil, nous allumons les bougies, car voici plusieurs jours que nous n’avons plus de lumière. On nous distribue notre pain, mais la corvée partie au café revient les mains vides. La place est pleine de “verts” que l’on arme. Il y a quelque chose d’anormal. À 5 h on nous dit : “Pas d’appel ! ‘ et l’ordre d’évacuation arrive pour les Polonais. Bousculades pour les autres. Il pleut à torrents. Les Tchèques partent. À 15 h, ordre pour les Français. À 17 h, distribution de vivres sur la place. Le temps se découvre pour notre départ… »
Un autre regard sur ces deux derniers jours au camp, celui de René Rochard. Le 20 avril, il entend l’alerte alors qu’il est à l’usine D. A. W., près du camp qu’il rejoint en fin de journée : « Rien d’anormal. On touche la ration, et au lit après avoir bien entendu subi un appel de deux heures ! Impossible de dormir à sept sur deux lits ! Impossible de faire un mouvement ! Le lendemain, vers quatre heures, il faut se lever aux cris du chef de block. Le bruit circule que le camp doit être évacué. Le coup est dur : partir à l’aventure sur la route, dans l’état où nous sommes… Les ordres se précisent. Les départs se font par nationalité.
« Tout le monde fait son bagage. Je n’emporte presque rien : une couverture et un petit paquet. Il y en a qui n’ont pas peur de se charger. Les pauvres gars savent-ils où ils vont ? Non, pas plus que moi d’ailleurs. Je trouve une vieille paire de savates. Je la mets dans mon paquetage. Nous attendons toujours, errant dans le camp.
« Beaucoup sont déjà partis. Il est midi. En guise de repas, avec Chupin nous mangeons un peu de plant de choux que nous avons réussi à prendre dans le jardin des S. S. au fond du camp. Il n’y a pas eu de soupe ce jour-là…
« 14 heures 30 : de toutes parts un cri retentit : “ Die Franzosen !” Je ne suis pas prêt d’oublier cet instant. Quitter le camp, pour moi c’est un peu la liberté, mais peut-être aussi la mort. Nous nous dirigeons vers la place d’appel, d’où beaucoup de colonnes sont déjà parties. Nous sommes un petit groupe d’une dizaine nous connaissant bien, et nous décidons de rester parmi les derniers. Si les Russes arrivaient avant notre départ ?
« Dans les airs, des avions patrouillent, on entend le crépitement des mitrailleuses et, plus lointain, le bruit sourd du canon. On se bat dur dans les environs. Cela nous redonne du courage.
« Il est 17 heures 30. Des Français sont déjà sortis. Nous prenons la queue de ce que je pense être la dernière colonne de nos compatriotes. Nous passons un par un devant une charrette de ravitaillement. Un pain chacun, un morceau de pâté, un coup de pied dans le derrière par-dessus le marché, et en avant !
« Nous sortons de la première enceinte du camp et, là, nous sommes rangés par cinq. Le commandant paraît très énervé. Il va même jusqu’à gifler des S. S. On nous compte par cent une première fois, puis nous sortons de la deuxième enceinte. Nous voici sur la route, à gauche en sortant du camp. Nous attendons encore une demi-heure qu’un autre groupe de cent soit formé.
« On nous compte encore quatre ou cinq fois puis, au milieu de cris sauvages que nous connaissons bien, le convoi s’ébranle lentement. Nous somme mille hommes. Devant nous, il y a – paraît-il – cinq cents femmes. Notre colonne de quinze cents, commandée par un lieutenant portant monocle, est bien gardée par deux rangées de S. S., une de chaque côté. Nos gardiens ne sont guère à plus d’un mètre l’un derrière l’autre. Ils ont l’air très mauvais, ils gueulent sans arrêt. Derrière nous, suivent quatre grosses fourragères contenant les paquetages des S. S. de la colonne. Nous tirons ces voitures, chacun à notre tour.
« Adieu Oranienburg, adieu Sachsenhausen, adieu camp maudit, témoin de tant de crimes ! Je regarde droit devant moi, sans pouvoir me retourner. Adieu ! Adieu ! »
Louis Péarron, dont le kommando K. W. A. ne travaille plus depuis trois jours, est sur la place d’appel le samedi matin 21 avril lorsque l’ordre d’évacuation est donné : « Les colonnes se forment on ne sait trop comment… Avec un groupe de camarades français, nous décidons de rester ensemble, de nous entendre pour faire notre discipline
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