Sachso
dire : S. S. en rupture de ban, ayant désobéi à un ordre, punis pour un motif quelconque. Gibiers de potence par excellence, ces nazis sont devenus nos gardiens : un véritable enfer. J’en suis sorti avec un groupe pour comparaître, après des haltes dans diverses prisons, devant le tribunal militaire de Breslau, qui jugeait bon nombre d’affaires dans lesquelles des Français étaient inculpés.
« Le 2 février 1943, nous sommes vingt-et-un à être jugés. Dix-huit sont condamnés à mort. J’en suis. Militant de l’émigration italienne antifasciste en France, opposant à Mussolini, combattant des Brigades internationales en Espagne, je ne me faisais pas d’illusion sur mon cas. Mais ce simulacre de procès est si grotesque que la sentence m’arrache un sourire de défi. Le président, interloqué, demande à l’interprète s’il m’a bien traduit la condamnation, si j’ai bien compris… Oui ! Alors, fait exceptionnel, il suspend le verdict en ce qui me concerne et ordonne un complément d’enquête. Ce qui fait qu’avec mes trois compagnons de la journée, condamnés aux travaux forcés, dont un curé alsacien je me retrouve en cellule à la forteresse de Brygz. Je n’entends plus parler de rien… En octobre 1944, nous partons pour Berlin, à l’Alexanderplatz, où les bombes américaines et anglaises pleuvent tout autour. Puis c’est la forteresse de Sonnenburg, à la frontière polonaise, d’où l’avance de l’armée soviétique nous chasse vite. Retour vers Berlin, direction Sachsenhausen. Il n’y a que des Français avec moi. Nous emplissons quatre ou cinq wagons… »
La veille du transport, comme les autres prisonniers de Sonnenburg, Pierre Le Rolland récupère ses vêtements civils :
« Seuls, les Norvégiens préfèrent, quant à eux, revêtir les uniformes militaires reçus de Suède entre leur arraisonnement sur un bateau essayant de rejoindre l’Angleterre et leur internement à Sonnenburg… Le bruit se répand que nous partons… pour un camp de repos. Aucun d’entre nous ne connaît le nom d’Oranienburg-Sachsenhausen… » Dès leur entrée au camp, Pierre Le Rolland et ses camarades comprennent vite où ils se trouvent. Mais, si leur désillusion est grande, ils ne savent pas encore à quel massacre ils ont échappé. Pierre Le Rolland l’apprendra plus tard : « Plusieurs centaines de prisonniers, allemands pour la plupart, étaient restés à Sonnenburg, rejoints ensuite par d’autres détenus, notamment un groupe de Français du réseau Alliance et de nombreux Luxembourgeois. Ils étaient au total 819 quand, dans la nuit du 30 au 31 janvier 1945, ils furent abattus à la mitraillette par un groupe de S. S. que suivaient de peu les troupes soviétiques. Ce qui a porté à 214 le nombre des Français morts à Sonnenburg depuis le 28 septembre 1942, date d’arrivée de nos premiers compatriotes, sur les 872 au moins qui y ont été immatriculés en vingt-huit mois à un rythme très irrégulier. C’est dans le petit cimetière de Sonnenburg (aujourd’hui, Slonsk, en Pologne) entretenu avec soin par les enfants polonais, qu’ils ont été enterrés avec Jean Lebas, ministre du travail en 1936, député-maire de Roubaix, le colonel de La Rochère et tant d’autres… » D’autres Français seront encore immatriculés à Oranienburg-Sachsenhausen, mais en ordre dispersé. Dès lors, peut-on évaluer le nombre total de nos compatriotes déportés au camp ? D’après les chiffres extraits des registres que nos camarades allemands ont pu récupérer dans les archives S. S. ayant échappé à la destruction, près de 9 000 Français y auraient été détenus. D’un autre côté, les estimations que nous venons de faire ici pour les principaux convois donnent une approximation de 6 500 hommes : 244 en juillet 1941, 1 600 en janvier 1943, 2 000 en fin avril et début mai 1943, 1 100 en juillet 1944, 1 250 en septembre 1944, 350 en novembre 1944. Enfin l’Amicale, avec son propre fichier malheureusement incomplet et les documents également partiels du Service international de recherches de la Croix-Rouge à Arolsen, a recensé les noms de près de 6 500 Français ayant été détenus à Oranienburg-Sachsenhausen et dans ses kommandos. Compte tenu des camarades des divers transports sur lesquels nous n’avons pas de renseignements, compte tenu des entrées hors convois qui ne peuvent être comptabilisées, nous estimons que 8 à
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