Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Sachso

Sachso

Titel: Sachso Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amicale D'Oranienburg-Sachsenhausen
Vom Netzwerk:
premières femmes déportées. Voilà pourquoi le Dr Leboucher, une des grandes figures du mouvement scout d’entre les deux guerres, n’hésite pas sur la route à fredonner pour la première fois des refrains révolutionnaires avec ses voisins communistes : « Nous entonnons “la Marseillaise”, dont nous faisons alterner les couplets avec ceux du “Chant des partisans”. Et je chante de mon mieux “À l’appel du grand Lénine, se levèrent les partisans”, jusqu’au moment où un officier allemand nous impose silence. Alors nous avons ensemble la même inspiration et c’est en sifflant ces mêmes hymnes que nous arrivons à la gare… »
    Au répertoire figurent encore « la Madelon », « le Chant du départ », « Allons au-devant de la vie », « Ce n’est qu’un au-revoir ».
    Ceux qui partent le 8 mai 1943 se déchaînent à la gare. Alex Le Bihan est du nombre : « Nous chantons “la Marseillaise”, “le Drapeau rouge”, “la Jeune Garde”, “Soldats du 17 e ” et même “l’internationale”. Les gardes qui nous entourent ne bronchent pas, mais interdisent toute approche. Une femme qui veut donner quelque chose – sans doute à son mari – reçoit un coup de baïonnette à la main. »
    Albert Claverie, lui, n’en croit pas ses oreilles quand il débouche dans la gare de Compiègne en mai 1943 : « Grosse surprise, une musique militaire française joue. Ce n’est pas pour nous, bien sûr. Un train est là, bariolé d’inscriptions, empli de soldats français. Les Allemands ont monté une réception pour l’opération “Relève” des prisonniers de guerre. Mais, quand ces gens voient arriver notre colonne de jeunes, leurs cadets, presque leurs fils, ils voient rouge. Ils hurlent à leur tour, traitant les S. S. de tous les noms. Nos gardiens nous font prendre le pas de course vers notre train, qui stationne un peu plus loin. C’est en pleine cacophonie que l’on nous enfourne dans des wagons à bestiaux. »
    Au fur et à mesure que les départs se succèdent, que la situation empire pour les Allemands, les conditions de l’embarquement changent aussi. Pour le dernier départ du 4 juin 1944 vers Sachsenhausen via Neuengamme, Bernard Poncet signale : « Fouille approfondie avant le départ. Nous sommes nus et, systématiquement, nos vêtements sont retournés. À cinq heures du matin, le lent chapelet des trois mille détenus s’égrène dans la ville. Les S. S. font rentrer les habitants dans leurs maisons et fermer leurs volets. Impossible de laisser tomber un billet sur la route. »
    Dès son arrivée dans l’enceinte de la gare de marchandises de Compiègne, le cortège des prisonniers est fractionné en autant de groupes qu’il y a de wagons à bestiaux alignés sur la voie. Face aux trous noirs des portes ouvertes, on s’interroge avec anxiété en regardant l’inscription peinte sur les wagons : « Chevaux en long : 8 ; hommes : 40. » Comment pourra-t-on entrer tous là-dedans ?
    À cette époque où les wagons sont de dimensions plus réduites que maintenant, c’est le modèle le plus courant selon les normes établies pour les besoins de l’armée française, bien qu’il existe aussi un modèle pour soixante hommes. Mais les nazis n’ont que faire des normes ! Au signal d’ordres gutturaux, ils poussent leur troupeau humain qui escalade la haute plate-forme des wagons et s’entasse, s’entasse sous les coups.
    Le 23 janvier 1943, au premier convoi vers Sachsenhausen, 63 hommes se serrent dans le wagon de « 40 » où se trouve Marcel Suillerot. Il y en a 80 dans d’autres, jusqu’à 100 dans les plus grands wagons. Dans le deuxième train de janvier 1943, le cheminot Henri Pasdeloup, qui a l’habitude, compte en moyenne entre 70 et 80 hommes par wagon. Mais, en avril 1943, la moyenne monte entre 80 et 100. Pour le dernier transport du 4 juin 1944, elle atteint 120 par wagon.
    De l’extérieur, les portes coulissantes sont refermées et les loqueteaux verrouillés à grand bruit. Les panneaux d’aération sont rabattus, les lucarnes grillagées. Il fait sombre. On respire mal et l’angoisse étreint les cœurs. C’est ainsi à chaque départ. En janvier 1943, Marcel Couradeau le ressent : « Le désespoir nous empoigne. Nous sentons comme un déchirement. Il faut réagir, alors nous chantons, n’importe quoi, même des rengaines égrillardes. L’abbé Le Moing, vicaire dans une paroisse parisienne,

Weitere Kostenlose Bücher