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Sachso

Sachso

Titel: Sachso Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amicale D'Oranienburg-Sachsenhausen
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rentre en possession de son bien ou de ce qu’il en reste.
    « Porteur de mes deux sacs, je peux jeter un coup d’œil sur les civils qui nous regardent. Hommes et femmes, jeunes et vieux, tous, impatients de se venger, nous lancent des quolibets et même des pierres, les enfants surtout…
    « Je revois toujours un vieux camarade, marchant avec deux cannes, essayer de nous rejoindre en contournant la clôture qu’il ne peut franchir en voltige. Deux S. S. d’une vingtaine d’années, sans pitié pour son âge et ses douleurs, le forcent à faire le chemin à quatre pattes. Après quelques mètres, il s’écroule sans vie.
    « J’ai juste le temps d’apercevoir devant moi la cravache d’un S. S. Je réussis à amortir un peu le choc. Le coup m’atteint à la tête et j’ai l’impression que celle-ci va éclater. Je titube et, toujours en caleçon, je cours vers le tas de vêtements qui sont jetés pêle-mêle sur le ballast. Il n’est pas question de se mettre à chercher ses propres affaires. J’empoigne un pantalon et une veste, puis une paire de chaussures que son propriétaire a eu la précaution de nouer à Sarrebrück. Je peux les mettre. Par contre, la veste est très ample, alors que le pantalon trop long m’oblige à le maintenir d’une main, n’ayant ni ceinture ni bretelles…
    « Je m’habille en vitesse tout en essayant d’esquiver les coups qui ne cessent de s’abattre sur nous… La mêlée est indescriptible, ponctuée par les injures des S. S. et les aboiements des chiens que nos tortionnaires ont du mal à maintenir en laisse.
    « Ces bêtes dressées contre nous sont énormes et font des efforts acharnés pour nous approcher. Si la laisse vient à lâcher, le malheureux qui tombe sous leurs crocs est littéralement déchiqueté…
    « La gare est éloignée du camp. En colonne par cinq, nous partons, abandonnant une vingtaine d’entre nous, blessés ou incapables de faire la route à pied. Sous bonne garde, ils attendent qu’une voiture vienne les chercher.
    « La route que nous suivons est hérissée de gros pavés inégaux et glissants. Les S. S., à droite et à gauche, empruntent une sorte d’allée cavalière. Dès les premières minutes de marche, ils nous commandent d’accélérer. C’est presque en courant que nous faisons le trajet jusqu’au camp, les plus valides soutenant ceux qui ne peuvent plus avancer. Certains sont à moitié nus, d’autres dans des tenues ridicules. Un homme est affublé d’un beau pardessus alors qu’il n’a pas de pantalon. Beaucoup sont pieds nus, tandis que d’autres portent des valises ou des paquets qui ne leur appartiennent pas.
    « Nous traversons un bois de pins où de jolies villas mettent une note gaie. Ce sont les habitations des officiers S. S. De place en place, une grande oriflamme rouge à croix gammée claque dans le vent matinal. Soudain un jeune garçon qui me précède tombe comme une masse, évanoui, les pieds en sang. André Farber, de très forte constitution, le prend sur ses épaules, tandis que nous nous chargeons de ses valises. Pendant que l’opération s’effectue, les brutes ne cessent de nous frapper à coups de botte et de cravache en répétant comme des automates : “Los  ! Los  ! Aufgehen  !” (Vite ! Vite ! Allez !)
    « La course reprend. Une femme paraît sur le pas d’une porte. On sent le mépris dans son regard. Contre elle, un enfant de cinq ans à peine se blottit, apeuré. Il a sur la tête un calot marqué S. S. avec deux tibias sommés de la tête de mort.
    « Bientôt un petit mur de ciment s’allonge sur notre côté, surmonté de quatre fils soigneusement séparés par des isolateurs de porcelaine. Un ronronnement très doux, presque imperceptible, en émane. C’est la mort qui roucoule, une mort violente, propre, préférable à tant d’autres dans ce maudit camp de Sachsenhausen dont l’entrée apparaît maintenant au bout de la longue avenue bétonnée que nous empruntons… »
     
     
UN AUTRE MONDE
    Une seule idée, obsédante, est dans toutes les têtes : qu’on arrive, qu’on en finisse. C’est avec soulagement qu’après avoir emprunté une longue allée bordée de pins les hommes franchissent la porte monumentale qui s’offre à leurs regards, dominée par le mirador central et barrée d’une inscription en lettres forgées dont le sens échappe au plus grand nombre.
    Combien ignorent que cette étape à laquelle ils aspiraient tant, et qui

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