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Sachso

Sachso

Titel: Sachso Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amicale D'Oranienburg-Sachsenhausen
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cheveu, plus un poil ne subsiste.
    Cette opération hygiénique est suivie du contrôle des poux. Au moindre parasite, à la moindre lente, une marque au crayon bleu sur le sein gauche signifie un traitement spécial avant la salle des douches où le préposé envoie sur les échines une averse d’eau glacée ou bouillante : armés d’un pinceau, des détenus enduisent toutes les parties du corps fraîchement rasées d’un liquide désinfectant dont l’acidité brûle longtemps après son application.
    Voici enfin l’habillement. En file indienne, surveillés par un policier du camp, chacun se voit jeter à la face, sans aucun souci de la taille, une chemise, un caleçon, une veste et un pantalon rayés, faits d’un rêche tissu synthétique, le tout rapiécé et incroyablement usagé. L’assortiment est complété de deux morceaux de toile à utiliser comme chaussettes russes. La distribution se termine avec une paire de galoches en toile kaki et à semelles de bois, toujours sans considération de taille, ce qui contraint à des échanges.
    Mais le « paquetage » variera au fil des mois. En 1944, par exemple, l’industrie concentrationnaire ne parvenant plus à pourvoir aux besoins en uniformes rayés, Alphonse Basquin perçoit un veston civil à col de fourrure – luxe insensé –, une culotte de cheval, une paire de sabots en bois, sans chaussettes. Une croix de Saint-André, peinte en rouge dans le dos de la veste et une bande de la même couleur sur le pantalon permettent de l’identifier comme détenu.
    Brutalement éjecté de la baraque d’habillement, chacun s’affuble du mieux qu’il peut et ajuste ses défroques sous l’œil de ceux qui attendent et qui, curieusement, se refusent à imaginer que la tenue dont ils se gaussent sera la leur, au sortir de cet étrange magasin.
    Les réactions sont d’ailleurs très variables. La transformation due à cet accoutrement est telle que parfois des camarades ne se reconnaissent plus. Alex Le Bihan est surpris : « Les regards cherchent le détail qui fait retrouver le copain ; l’extrême tension nerveuse jointe à l’épuisement fait éclater silencieusement le rire des amis réunis, à moins que les larmes ne jaillissent des yeux. »
    Octave Dewez est furieux. Alors qu’il arborait de belles moustaches que pour rien au monde il n’aurait coupées, il se retrouve sans un poil sous le nez. Ses camarades de résistance Pierre Benoit et Lucien Richard, arrêtés avec lui le 3 octobre 1942 à Hirson (Aisne), rient de sa déconvenue. Mais ils rient jaune, car Lucien Richard est lui aussi très déçu : « Ayant déjà été P. G. en juin 1940 au Stalag VIII C à Sagan, en Silésie, d’où j’avais été rapatrié en août 1941 comme soutien de famille père de quatre enfants, j’avais raconté à mes camarades que dès notre arrivée en Allemagne il faudrait se déclarer “ouvrier agricole”. C’était, leur disais-je la meilleure manière d’avoir une bonne place dans une ferme. Nous étions servis !… »
    Incroyablement las, gelés ou crevant de chaleur suivant l’heure ou la saison, les hommes attendent d’être en nombre suffisant pour être dirigés vers les blocks de quarantaine isolés de l’ensemble du camp.
    Comme ses camarades, Poyard y reçoit deux bandes de tissu blanc de vingt centimètres de long sur six de large : « Au pochoir, nous peignons d’abord un F indiquant la nationalité, puis un triangle rouge et enfin le numéro matricule. Le mien, c’est le 66 058. L’une des bandes est cousue sur le côté gauche de la veste, à hauteur du cœur, l’autre sur la jambe droite du pantalon, à hauteur de la cuisse. »
    Cette fois, c’en est fait de l’homme ; le Häftling (le détenu) est né. Voilà comment on fabrique un bagnard : on le déshabille, on le tond, on le douche, on le désinfecte, on l’affuble d’une tenue rayée frappée d’un numéro matricule ; c’est terminé.
    Passée la grille du camp, l’homme cesse d’être un humain. Ni Jean, ni Pierre, ni ouvrier, ni intellectuel, ni prêtre ; il est devenu un numéro, une espèce d’être sans sexe, sans âge, avec un triangle de couleur, une lettre et quelques chiffres, englouti dans un monde nouveau, inconnu, hostile, qui défie l’imagination.
     
     
LE DRESSAGE DE LA QUARANTAINE
    Cette brutale métamorphose est la première forme de la dépersonnalisation voulue par les S. S. et dont la quarantaine va précipiter le

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